LAÏCITE
La Turquie autorise le port du voile à l'université02/2/2008
Le
Parlement vote un amendement constitutionnel proposé par le
gouvernement qui vise à lever l'interdiction du port du voile à
l'université, en vigueur depuis des décennies. Une manifestion laïque à Ankara contre le port du voile à l'université le 2 février (Reuters)
C'est un débat très sensible dans
la Turquie laïque: les parlementaires turcs ont voté tôt, jeudi 7
février au matin, un amendement constitutionnel proposé par le
gouvernement qui vise à lever l'interdiction du port du voile à
l'université, en vigueur depuis des décennies.
Les parlementaires ont voté l'amendement par 401 voix contre 110. Il
faut en effet passer par une modification de la Constitution pour
autoriser les étudiantes à porter le voile sur les campus
universitaires.
Les ex-islamistes et les nationalistes
Les ex-islamistes du Parti de la Justice et du développement (AKP), au
pouvoir, pouvaient compter sur le soutien du parti d'opposition
nationaliste (MHP). Ensemble, les deux formations totalisent plus
d'élus que la majorité requise des deux tiers pour modifier la
Constitution.
Ce débat, qui illustre le fossé profond entre le gouvernement, issu de
la mouvance islamiste, et le camp laïc, soutenu par l'armée, sera clos
samedi à l'issue d'un second vote.
Le projet du gouvernement comprend un paragraphe déclarant que
"personne ne peut être privé de son droit à l'éducation supérieure".
Sous-entendu, des jeunes femmes renoncent par conviction religieuse à
aller à l'université, parce qu'elles ne peuvent y porter le voile.
Le sujet suscite des tensions dans le pays entre ceux qui considèrent
que l'interdiction du voile à l'université est une violation de la
liberté religieuse et ceux qui craignent que son autorisation ne vienne
saper les fondements du système laïc. Les laïcs craignent aussi que la
levée de l'interdiction n'augmente la pression sociale sur les jeunes
filles pour qu'elles se voilent.
"La question n'est pas le foulard"Le Parti républicain du peuple, qui estime qu'une levée de
l'interdiction du voile serait un premier pas vers un régime islamique,
a promis de contester tout amendement devant la Cour constitutionnelle.
"La question n'est pas le foulard, mais la laïcité", explique Kemal
Anadol, un élu du parti qui dénonce une tentative pour "ouvrir une
brèche" dans le système laïc du pays.
Quelque 200 sympathisants de gauche se sont rassemblés près du
Parlement à Ankara pour protester contre le projet du gouvernement.
"Nous n'autoriserons pas le foulard!", "A bas l'AKP!", ont scandé les
manifestants.
Au cours du week-end, plus de 125.000 personnes, des femmes en
majorité, avaient défilé dans les rues d'Ankara contre la légalisation
du voile. Et des dizaines de présidents d'universités s'étaient quant à
eux réunis pour exprimer leur opposition.
L'armée quant à elle a choisi de rester à l'écart du débat, même si
souvent les généraux se sont élevés contre les atteintes à la laïcité
instaurée par le père de la nation, Mustafa Kemal Ataturk, et dont
l'armée se voit comme la garante.
Tant l'épouse du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan que celle du
président Abdallah Gul portent le voile. Et la femme de ce dernier est
une des principales militantes du dossier en Turquie: en 1998, elle
avait porté l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme
après s'être vue interdire l'université pour cause de voile. Avant de
retirer sa plainte pour raisons politiques lorsque son mari est devenu
ministre des Affaires étrangères. (AP)