Témoignage d’un chrétien sur l’Islam
par Pierre Lavoisy - publié le lundi 2 octobre 2006
Participant au dialogue intereligieux à Saint Amand-les-Eaux depuis 1995, j’ai eu la chance de faire connaissance avec des musulmans qui m’ont permis d’approfondir mes quelques connaissances de l’Islam. J’en avais eu une première approche au Centre Spirituel du Haumont dans les années 1993 puis par des contacts amicaux au sein d’associations qui luttèrent pour le respect des droits de la personne humaine, en particulier au moment de la purification ethnique en Bosnie.
Chrétien membre de l’Église Réformée de Valenciennes-Saint Amand, je précise que tousmes propos n’engagent que moi et moi seul et s’il m’arrivait de choquer certains des lecteurs, je leur prie à l’avance de m’excuser et de croire que tel n’est pas mon but. En outre les bribes de savoir que j’ai, pourront m’amener à dire des aberrations sur l’Islam et je serai reconnaissant que l’on me les signale.
Dans le témoignage qui suit, je parlerai des enrichissements divers que j’ai eu la chance de vivre au contact des nombreux échanges, et j’achèverai par évoquer brièvement ma prise de position religieuse vis-à-vis de l’Islam.
Premiers contacts
Mes premières lectures de la traduction par Denise Masson du Coran me donnèrent une impression de flou artistique et de répétitions et mes habitudes de lecture de la Bible se heurtaient à l’absence quasi-totale de narration.
Puis la formation au centre du Haumont et la lecture des commentaires de Jacques Berque dans sa traduction du Coran me révélèrent une architecture textuelle dont j’ai saisi vaguement les arcanes.
À partir de ce moment, j’ai classé le Coran dans la catégorie des poèmes épiques et des chansons de geste. Cette conception m’avait été également suggérée par l’ancienne émission religieuse sur l’Islam, le dimanche matin sur France 2, et plus particulièrement par la psalmodie d’introduction qui m’envoûtait.
La beauté, l’un des plus beaux noms de Dieu ?
La conversion de Maurice Béjart m’intriguait, jusqu’à ce que je fis le rapprochement avec les pas de danses, la chorégraphie et les arabesques des calligraphies. J’y trouvais une unité plastique en harmonie avec les psalmodies du Coran.
C’est ainsi que le contact de l’Islam m’amena à faire de la beauté, au sens esthétique du terme, un nom de Dieu. Et il m’est arrivé de dire à des amis musulmans que leur religion était belle.
L’élégance et la noblesse
Ne comprenant pas la dimension rituelle des prières (sâlat), des discussions sur le savoir-vivre ensemble amenèrent tout naturellement à parler de la politesse et de la correction dans les échanges. Ces civilités qui nous distinguent de l’état animal s’imposent encore plus dans les contacts avec une personne importante : on s’habille bien, on ne le fait pas attendre,on est poli et déférent … Et que dire lorsque nous avons rendez-vous avec le Seigneur des Mondes ! Je retrouvais ainsi la coutume de mettre ses habits du Dimanche et d’arriver à l’heure pour aller au culte ou à la messe. La salât est donc un acte de déférence à l’égard du Créateur.
En outre dans nos échanges avec Lui, il nous est demandé d’être nous-même : en fait nous ne sommes jamais aussi nus que sous l’oeil de Celui qui sonde les cœurs et les reins. Or les psychotropes, alcool en particulier, créent une situation mentale non authentique, ne parlet’on pas de paroles d’ivrognes ? Et les amis musulmans, que je fréquente, me semblent vivre en permanence sous le regard de Dieu, ce qui justifie théologiquement le refus de la consommation d’alcool.
L’Islam m’apparaît ainsi comme une belle et noble religion qui demande, pour paraphraser Jacques Berque, à l’homme de pratiquer le bel agir. Vous comprendrez pourquoi les souillures provoquées par les agissements criminels de fanatiques islamistes radicaux me sont insupportables : ils blasphèment les beaux noms de Notre Créateur.
Le devoir de témoignage et le refus de l’enfouissement
Le courant laïciste français a pour volonté de maintenir l’expression religieuse dans le domaine privé et domestique et de l’exclure de toute manifestation publique. Il avait eu pour effet de complexer les chrétiens qui vivaient leur foi comme une maladie honteuse à ne pas exhiber dans les discussions et rencontres mondaines diverses. Ce profil bas, dit d’enfouissement, occultait l’obligation pour tout croyant ayant accepté le don de la Révélation de ne pas s’en cacher et de témoigner de sa foi.
Or les musulmans ne cachaient pas leurs convictions et demandaient de bénéficier d’un espace public dans la cité pour leurs pratiques cultuelles, ils ont ainsi fait sauter le verrou en imposant une interprétation libérale traditionnelle de la législation française sur la laïcité. Ils ont ainsi contribué à réveiller un certain nombre de chrétiens en leur rappelant leur devoir de témoignage.
Le péché contre l’Esprit et le dénégateur (kâfir)
Dans les Évangiles de Matthieu, Marc, Luc il est dit que le blasphème, ou péché, contre l’Esprit, est le seul à ne pas être pardonné. C’était pour moi incompréhensible et je n’étais satisfait par aucune note lue. Puis au cours d’une discussion sur le Coran , j’établi le lien avec« celui qui occulte la Vérité après l’avoir reçue » (interprétation littérale de Jacques Berque).
Il m’apparut évident que refuser le don de la Révélation, après qu’elle fut personnellement offerte par le Créateur, amène une telle créature à jouir du mal qu’elle commet à l’égard de leurs semblables. Et je songe à certains personnages historiques tristement célèbres En d’autres termes les dénégateurs sont des croyants qui font alliance avec le mal et j’en ai déduit qu’un être humain n’avait pas le droit d’accuser quiconque d’être kâfir.
L’amitié
Un des plus beau cadeau que j’ai reçu est certainement l’amitié de musulmans, dans le respect de nos convictions, sans lesquels je n’aurai sans doute pas eu une telle approche enrichissante de l’Islam. Je sais que ces amitiés vont bien au-delà de nos personnes et qu’elles sont la manifestation de notre Dieu dont la Paix est un des noms.
Conclusion
Je n’ai pas abordé les problèmes théologiques liés à la Révélation chrétienne que je confesse, par exemple l’incarnation divine ou le dogme chrétien du Dieu unique Trinitaire, non par gêne, mais parce que c’est un autre sujet. Mais je puis dire que je ne suis pas en accord avec le magistère catholique qui voit dans la religion musulmane une forme incomplète de la Révélation et qui affirme, dans « Dominus Iesus », que seule l’Église catholique accède à la plénitude de la Vérité divine.
De même je n’ai pas exposé mon point de vue sur la naissance d’un islam français et européen intégrant les Lumières du XVIIIième, naissance liée à la tragédie du déchaînement fanatique. J’ai simplement tenté de montrer en quoi la Révélation Coranique, cet hymne thawîd, est, pour le chrétien que je suis, un Rappel et une source d’enrichissement. Je souhaiterais achever ce témoignage par un passage du verset 48 de la sourate V du Coran où je fus particulièrement interpellé par le mot « don » :
« … Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais Il a voulu vous éprouver Par le DON qu’il vous a fait. Cherchez à vous surpassez les uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour à tous, se fera vers Dieu ; Il vous éclairera, alors, au sujet de vos différends. »
Amis lecteurs et lectrices, connus et inconnus, que l’Unique vous accompagne dans la vie de tous les jours.
http://oumma.com/Temoignage-d-un-chretien-sur-l