CHEIKH AHMED AL-TIDJANI
Le pôle caché C'est à l' âge de vingt ans que le Cheikh Ahmed Al - Tidjani, futur fondateur de la «Tarikha Tidjaniyya», s'engagea résolument dans la voie mystique. Grâce à l'assistance divine particulière qui l'a toujours accompagné, son voyage en Dieu devait le conduire, trente ans plus tard, au grade unique dans l'histoire de la sainteté de Sceau des saints et de
Pôle caché.
Né vers 1 735 à Aïnou Mâdi en Algérie, le Cheikh est décédé en 1815 à Fez au Maroc, où il fut inhumé. Avant son entrée dans la voie spirituelle, le saint homme avait passé toute sa prime jeunesse à étudier les sciences islamiques qu'il maîtrisa parfaitement. C'est ainsi, qu'à peine âgé de sept ans, il avait totalement mémorisé le Coran. D' origine chérifienne, il descendait d' Ail Ibn Abi Talib par Al Hassan, un des fils du cousin et gendre du Prophète (Psi). Tous les éducateurs qu'il l'avaient accueilli comme étudiant furent frappés par les dons exceptionnels du jeune Cheikh Ahmed AI-Tidjani. Ses maîtres dans la voie spirituelle étaient également toujours éblouis, et de prime abord, par le haut degré d'élévation qui singularisait
l' enfant d'Aïn Mâdi, ainsi que par les lumières divines qui baignaient sa personne, sans même qu'il en soit conscient.
Pérégrination pour Dieu Jusqu'à l'âge de 40 ans, le fondateur de la Tidjaniyya fit d'incessants déplacements pour la quête du haut savoir et pour entrer en contact avec de grands maîtres de la voie initiative. Après des études dans sa famille, il passa une partie de sa vie à Fez où il poursuit sa formation jusqu'en 1758. Il revint plus tard en 1798,
s'établir dans ce carrefour prestigieux de la spiritualité musulmane. Son retour à Fez était intervenu après des séjours à Tlemcen en Algérie, à Sousse en Tunisie, à la Mecque, à Médine, au Caire et suite à une retraite dans un oasis du Sahara.
Parmi les grands maîtres du Maghreb qu'il eut à côtoyer dans sa pérégrination vers Dieu figurent Abu Mohammed Al-Teib, Ahmed AI-Sakali, Mohammed -Al Wanjeli, Abdallah Al-Arabi, Abul Abass Ahmed Al Tawach, Abi Abdallah Mohammed Ben Abdul Rahman AI-Azari et Moulay Idriss.
En Égypte, sur le chemin du pèlerinage à la Mecque, il prit le wird de la «Khalwatiyya» sous la conduite du saint égyptien Mahmoud AI-Kurdi, grand maître de cet ordre mystique. Il adopta pendant quelque temps les principes et règles de l'ordre (1) est lors de leur rencontre qu'Al-Kurdi prédit à Cheikh Ahmed Al-Tidjani l'accession à une station spirituelle qui dépasse la sainteté suprême. A son retour du pèlerinage, le futur fondateur de la Tidjaniyya séjourna de nouveau auprès du maître Mahmoud Al-Kurdi. Il attira autour de sa présence de nombreux savants d'Égypte à la recherche de connaissances complémentaires.
A la Mecque, le Cheikh Ahmed Al- Tidjani recueillit, par des modalités subtiles, divers secrets divins et connaissances ésotériques du maître Abil Abass Ahmed Ben Abdallah AI-Hindi. Ce dernier, sans même le voir physiquement, le déclara son héritier et celui d'Ali, cousin du Prophète (Psi).
Lors de son séjour à Médine, le Cheikh Al- Tidjani entra en contact avec un autre saint de grande envergure, le Cheikh Mohammed Ben Abdul Karim Al Saman. Le saint médinois lui confirma les mêmes prédilections déjà faites par AI-Kurdi.
De tous les maîtres rencontrés, ceux qui ont le plus marqué le fondateur de la Tidjaniyya furent, sans aucun doute, le cheikh Égyptien de la «Khalwatlyya» , Mahmoud Al-Kurdi, et le Mecquois Abdallah Al-Hindi. Leurs relations décrassaient toutefois les rapports classiques maître-disciple. Chacun tirait profit de l'autre au plan mystique et des secrets divins. Il s'agissait donc d'une obédience réciproque voulue par Allah.
Concernant les stations spirituelles qui jalonnent la voie myistique musulmane, le Cheikh Ahmed Al Tidjani les avait acquises toutes avant l' âge de quarante ans. Il avait aussi été investi au titre de cheikh ou de moukhadam (lieutenant) par différents maîtres au nombre de quarante les grands maîtres de la évoques Bien que détenteur des divers grades spirituels, le Cheikh Al Tidjani ignorait les niveaux élevés qu'il avait atteints du fait que Dieu les lui avait voilés. Il les ressentait seulement, en raison de la déférence particulière que lui manifestaient les grands saints à qui il rendait visite.
Ce n'est que vers l' âge de cinquante ans que le Cheikh put être pleinement conscient du statut qu'Allah lui avait octroyé. Ce fut avec l'aide du Prophète Mohammed (Psi) gui lui aparut à l'état de veille dans un village béni du Sahara. Initiation par le Prophète (Psi) Lors de sa manifestation miraculeuse, le Prophète signifia à Cheikh Ahmed AI- Tidjani quïl était Son Garant, Son Maître choisi et Son Educateur exclusif.
Il lui ordonna aussi de délaisser tout ce qu'il avait reçu des différents maîtres rencontrés et de leurs voies spirituelles. Le Prophète lui enseigna, ensuite, une Partie du wird Tidjaniyya :
100 fois la demande de pardon,
100 fois la prière sur le Prophète (Sallatoul Fatiha) et 12 fois la Prière Djawaratoul Kamel (Perles de la perfection). Cheikh "Ahmed AI Tidjani s'adonna pendant quatre années à ce wird sans retraite ni éloignement des hommes, et selon les directives du Sceau des Prophètes et des Messagers. Au terme de ces quatre années, le Prophète Mohammed (Psi) revient de nouveau lui ordonner d'ajouter au wird initial
100 fois «la ilaha il!ah lâh» (iI n'y a point de Dieu excepté Allah). Les enseignements qu'il convient de tirer de l'itinéraire du fondateur de la Tidjaniyya iusqu'à sa rencontre avec le Prophète sont essentiels pour qui emprunte la voie spirituel!e. Le premier est que le Cheikh AI- Tidjani n'a: jamais cherché à se faire valoir ou à faire du prosélytisme autour de sa personne.
Il s'est, en permanence, confiné dans une humilité totale, en dépit de l'admiration que lui manifestaient différents maîtres dont la grande sainteté était reconnue. Pareil enseignement a été mis en exergue pour les disciples, par la grande figure sénégalaise de la Tidjaniyya, El Hadji Omar Tai! du Fouta, dans son ouvrage spirituel «AI Rimah» (Livres des lances). Le Cheikh AI-Murtada y dit en effet: «Le disciple qui cherche à se faire valoir avant d'avoir terminé son initiation, ne fera rien de bon». Il poursuit plus loin: «Ce qu'il faut( c'est être droit et sincère, rester humble malgré l' acquisition de certaines vertus, se considérer comme toujours imparfait et très loin d'égaler les saints, s'en remettre à Allah, demeurer attentif devant le but à atteindre...» le deuxième enseignement réside dans la transmission à Cheikh Ahmed AL-Tidjani des modalités de sa mission au service de Dieu.
Il reçut du Prophète à l' état de veille et non en rêve, la permission d'éduquer les créatures, en général et absolument. C'est aussi le Prophète en personne qui' il' a informé de vive voix qu'il est
le pôle caché (Maktûml, le sceau des saints «par l'intermédiaire duquel tous les saints, sans en avoir conscience, reçoivent l'influx des Prophètes». Après cette transmis sion et sur les directive ; du Messager de Dieu, le fondateur de la Tidjaniyya pouvait, dès lors, dévoiler à ses disciples l'importance de la voie et ce qu'il représentait lui-même.
C'est ainsi que concernant les facettes de son statut élevé, il déclara: "Tout saint ne boit n'est abreuvé que de notre mer depuis la création jusqu'à la résurrection» ou «Tous les Cheikhs ont appris de moi l'inconnaissable... Je suis le seigneur des saints, comme Mohammed est le seigneur des Prophètes» ou encore: «Abd Al Qâdir Al - Jilânî a dit : mon pied est sur le cou de tout saint ; il parlait de ceux de son temps ; quant au mien, il est sur le cou de tout saint depuis Adam jusqu'au jugement à dernier» ..
Un autre enseignement peut être re relevé sur les modalités de la vision du Prophète par les saints, les gnostiques et les vertueux.
Le Cheikh El Hadji Omar Tall s'y est le étendu dans le livre précité. Il souligne : «On peut voir le Prophète (Psl) sous deux formes : sous l'aspect qu'il avait en ce monde, tel que le virent ses compagnons, ou sous l'aspect de son «essence» la sainte, pour les gnostiques précisément. C'est une lumière qui emplit entièrement le monde. Le gnostiques, lui, voit cette lumière grâce à son intelligence.
Cette «essence» li peut aussi être «incarnée» par certains Cheikhs, auxquels le Prophète Fait cet honneur et donne cette marque de distinction».
Sceau suprême de la sainteté Il est difficile d'expliciter par des mots ce que recouvre la qualité de Sceau suprême de la sainteté que le le Très Haut a réservé au fondateur le de la Tidjaniyya Certains auteurs re et orientalistes comme Michel Chodkiewicz ont cru pouvoir l' attribuer au grand maître arabo-andahlou Muhyil Dîn Ibn Arabî, alors que à ce dernier ne l'a pas revendiqué de façon claire et nette. D'autres e. auteurs confèrent ce statut à Jésus fils lé de Marie à son retour à la vie terrestre.
En présentant la hiérarchie des la saints selon les ordres mystiques . comme la Tidjaniyya ou les Akbariens, on peut donner une la idée de la station de Cheikh la Ahmed AI- Tidjani. Le saint est d'abord un «signe» de Dieu sur terre. Ils occupent une position privilégiée aux yeux de Dieu qui a y effacé de leur vue les visages de la multiplicité. Les saints de Dieu portent en eux les secrets du Très-Haut le et sont la source de sa lumière. Il y a la sainteté mineure acquise lit grâce à l' action pour Dieu et par "é l' observation du modèle prophétique, et au-dessus la sainteté majeure directement liée à l'action de Dieu sur la créature privilégiée. On peut aussi parler de sainteté de la foi et de sainteté de la certitude ;
cette certitude englobant la foi alors que l'inverse n'est pas vrai.
Les élus de la deuxième catégorie relèvent de la sainteté majeure. En plus de la possession plénière de la toi, ils sont caractérisés par leur abandon confiant en Dieu. leur sainteté est, en outre, fondée sur la contemplation et non sur l'argumentaire, le raisonnement.
C'est à ce propos 9ue le Cheikh Abûl Hassan Al-Shadhi disait: «Le
fait de voir Dieu par l'oeil de la foi et de la certitude nous a libérés de tous recours à la pensée discursive».
Qu'il s'agisse de la sainteté procédant de la foi ou de celle émanant de la certitude, l'être qui bénéficie de ces grâces divines est marqué par un ensemble de traits: possession de la gnose (al-ma'rifa bi-llah), la crainte de Dieu, le souvenir permanent de la présence divine, l'empressement à suivre les injonctions du Très-Haut, l'enracinement de l' âme dans la certitude, la perception claire de ce que Dieu veut de nous, la confiance absolue en lui, l'abandon sincère à lui, la gestion de leurs affaires par Dieu et la dotation d'autres dons dont des faveurs surnaturelles.
Au Sénégal, malgré la ferveur
musulmane plus ou moins sincère
constatée, on est très loin de pouvoir percevoir la sainteté véritable. Cette situation est encore compliquée par le fait que les élus de Dieu cachent le plus souvent leur sainteté ou sont, eux-mêmes, voilés. On attribue généralement la sainteté aux marabouts appartenant aux grandes familles religieuses connus ou aux «Serignes» qui ont beaucoup de
monde autour d'eux. On l'attribue
aussi aux faiseurs de «miracles» et
autres professionnels qui prient pour les gens ou leur font des retraites «spirituelles» des talismans ou des «safaras» en vue de l'atteinte de certains objectifs purement terrestres (pouvoir, richesses, nominations à des postes recherchés, ascension
sociale, guérison, célébrité et prestige...) la sainteté véritable est loin de correspondre à toutes ses attributions.
C'est un secret entre Dieu et l' élu qui fait du saint un voyageur en dehors de ce monde, un trésor caché que ne découvre pas n'importe qui ne le trouve que celui qui le cherche comme un assoiffé qui a besoin d'eau ou celui qui cherche Dieu «comme une mère peut chercher son enfant perdu». les amoureux de ce bas-monde et de son clinquant ne pourront jamais reconnaître un saint, même si ce dernier les côtoie. Ils sont
plutôt les persécuteurs des saints de Dieu, qu'ils méprisent et sous-estiment dans l'ignorance totale que même ce qui leur arrive de faveurs dans ce monde procède de la sainteté des élus ignorés et persécutés.
Un autre signe de la sainteté peut,
enfin être trouvé à partir de ce
constat du saint mystique Fuzeïl ben Ayôz : «celui que le Seigneur Très-Haut affectionne, il fui suscite toutes sortes de difficultés dans les affaires d'ici-bas. Quand à ceux qu'if traite en ennemis, il s'élargit
pour eux toutes les voies et les éprouve par des félicités terrestres.» Tous les saints de Dieu ont convergé vers le même constat.
Hiérarchie des Saints de Dieu
Pour revenir à la station élevée du Cheikh Ahmed AI-Tidjani, soulignons que la hiérarchie des saints est toujours pyramidale.
Au sommet, selon les guides de la Tidjaniyya il y a, à chaque époque, le pôle suprême des saints (ou pôle du Temps!; Ensuite viennent les quatre piliers (Maftâtil Kounoudji) qui sont des singuliers (afrad!. Si le pôle (Khoutbou) quitte corporellement ce monde, il est remplacé par un des quatre piliers.
Celui-ci est à son tour remplacé par un saint provenant d'un troisième rang formé par les saints gnostiques parfaits (arifs kamil).
Nul, hormis le Pôle lui-même, ne peut savoir ou mesurer la station de la polarité (martthaba khoutbou). Le Pôle suprême n'a pas le droit de parler de lui. Il est soigneusement caché par Dieu, et il ne se fait connaître qu'à de rares élus.
Son degré spirituel (mahama) réside dans sa grande proximité avec le Prophète au niveau de l'âme, du coeur et de l' esprit. Le Pôle possède le savoir qui existait avant la création du monde et après cette création. Il possède les secrets des Noms de Dieu et le savoir de l'essence et de l'existence. Il regarde aussi l'essence de l'existence par l'intermédiaire du mahama (degré, position) du Prophète.
Le savoir du Pôle est détenu également par les grands singuliers (afrads) devenus piliers au nombre de quatre. Mais ils ne perçoivent pas pleinement leurs connaissances, ni leur station spirituelle. Ils travaillent sur le plan mystiquie sans cette perception de leur savoir ; car dans l'état où ils se trouvent ils ne savent pas ce qui est ou non autour d'eux, de même
que les favurs dont Dieu les a gratifiées. Cette méconnaissance trouve son explication dans l'humilité des saints concernés. Leur humilité est telle qu'ils ne savent ras ce qu'ils sont et représentent. Ils sont ainsi voilés par leur humilité (tôrokh lou). C'est seulement le pôle qui connaît l' état des piliers.
Ces derniers ne peuvent cerner ce qu'ils étaient ou faisaient, qu'une fois hissés à la station de pôle.
Il peut arriver, qu'à une époque, existent plusieurs pôles de la sainteté. Dans ce cas ils sont coiffés par un pôle des pâles (khoutbou Lagertab) qui a la puissance de 1500 saints gnostiques. Il existe aussi un outre typ,e d' élus de Dieu. Il s'agit des khalifes (lieutenants) de Dieu distincts des pôles. Les khalifes de Dieu détiennent le degré des pôles, mois sont plus puissants que ces derniers. En plus du savoir des pôles, ils ont la conaissance du message divin (Risâla). Ce sont des messagers. Ils possèdent la science des singuliers et celle des prophètes. Ils cernent le pouvoir et la nature des choses. Ils puisent leur savoir chez les anges et dons des mondes supérieurs différents du monde d'ici-bas, le Moulk ou planète des humains correspondant aux ténèbres de l'être, du corps et de l'âme. Ces mondes supérieurs sont le monde angélique (Malakout), le monde de la puissance (Djabarout) et celui de l'ordre (lamri). Chacun de ces mondes, y compris le nôtre,
reçoivent des lumières divines à travers le Prophète. Ils sont situés entre 10 terre, le premier et septième ciel, Koursiyou, Arras et au-delà d'Arras.
Les saints véritables sont, ou non, familiers de ces lumières divines.
Leur niveau de conscience de cet état reste foncton du savoir et de l' ouverture acquis par la voie des degrés (mahamas). Cette voie étant un processus d'ouverture provenant de l'illumination, des épiphanies et des miracles de la vérité et des secrets et du savoir que l'intelligence, à elle seule, ne peut atteindre. Il s'agit d'un savoir et des secrets qui ne se trouvent
dans aucun livre.
C'est fort de cette illumination et de ce savoir supérieur, que les saints ou gnostiques accomplis connais sent ce qui arrive de bon ou de mauvais à l' époque, ce qui a trait aux saisons, ce que Dieu décrète dans le monde et, à chaque moment, ce qui correspond à ce décret.
Leur connaissance embras se aussi le pourquoi des choses qui arrivent, ce qui précède et ce qui vient après, les positions des étoiles, le savoir conforme à la dévotion à Dieu, l'état des esprits (rouhs) e leur progression, le secret des créatures, le monde du mystère, la connaissance des lettres célestes (Alif, Lam, Kâf...)
(5)commençant certaines sourates du Coran.
Mais la possession de toutes ces connaissances n'est pas tout. Le saint absolument accompli doit également accéder aux lumières de ces connaissances. Pour cela, il doit abandonner tous les dons déjà acquis, faire comme s'il recommençait à zéro, comme s'il ne connaissait rien. Il ne demande, aussi, rien (Dieu, à port de l'assister pour avoir la paix, être maintenu sur voie droite et arriver à lui.
Beaucoup d'adeptes de la voie spirituelle ou de candidat à la sainteté flanchent et tombent dès la première étape du chemin, pour avoir associé à Dieu leurs intérêts, leur âme, ainsi que la recherche déguisée de la gloire et de la renommée. En réalité, par le biais de cette Association secrète, nombre de marabouts ont donné à Satan, le moyen de les induire en erreur en les corrompant par toutes sortes de vanités, comme l'a indiqué le Cheikh Omar Tall du Fouta. Ces marabouts, poursuit le
grand cheikh de la Tidlantyya, s'égarent alors et ils égarent les autres en les entraînant avec eux. Pour avoir les chances de réussir dans sa quête de Dieu, l'itinérant devrait par conséquent s'appliquer, avec l'aide d'Allah, à vider son coeur du monde. Ce qui ne signifie pas renonce au monde. Il s'agit plutôt d'un détachement du coeur qui peut aller de pair avec l'exercice d'un travail pour ne pas être à la charge de la communauté et pour aider les autres. Même les cheikhs ou plus prosaïquement les Serignes, a déclaré El Hadji Omar Tall, «doivent exercer une activité pour subvenir à leurs besoins». «Préférer Allah à toute chose», a encore souligné le cheikh sénégalais de la voie tidjaniyya, «doit être, pour le disciple qui désire l'initiation, le, principe et la fin de ses désirs. Pas un seul instant de sa vie ne doit être consacré à autre chose. Penser à autre chose, c'est retrouver l'intérêt et la disposion.
Le disciple doit se réserver à Allah en toute action dans le seul but de le glorifier, de le louer et de le remercier».
Si l'itinérant cherche autre chose, Dieu lui retourne sa dévotion.
Cette punition peut se traduire par des succès et beaucoup de gloire dans ce bas monde. Ce qui n'a rien à voir avec le pouvoir initiatique et la sainteté. Mais le commun des croyants est loin de le savoir. Il s'empresse plutôt autour des «hommes de Dieu» ayant une autorité extérieure sur ce bas monde cet les vénèrent alors que ces dernieers ont, en fait raté le but suprême.
Pendant ce temps, le saint parvenu à Dieu, ou le pieux serviteur qui a abandonné son libre arbitre au Tout Puissant, sont
ignorés car ils sont généralement étrangers à ce monde. Mais ces derniers n' en sont pas offusqués et regardent le commun des croyants avec l' oeil de la miséricorde. Ils se disent aussi, comme le cheikh Al Akbar Ibn' Arabi : «Nous avons
laissé derrière nous les mers agitées.
Comment les hommes sau raient-ils vers quoi nous nous diri geons ?». Ils savent enfin que peu de gens ont la notion de l' élection divine et sont en mesure de saisir la véritable personnalité de l'hom me qui progresse dans les sciences divines et les connaissances seigneuriales.
Comme on l' a dit, la hiérarchie des saints est pyramidale. Cela ouvre la question de savoir si les saints se connaissent entre eux. La réponse est affirmative dans le monde des esprits mais ne l' est pas toujours dans notre vie quotidien ne.
Ici, celui qui se trouve dans un échelon inférieur peut ne pas se rendre compte de la station spiri tuelle du saint de l' échelon supé rieur. Il pourrait même arriver, si sa sainteté lui est dévoilée, qu'il se croit supérieur tant les perspectives et dons qui lui sont révélés sont fabuleux et source d'ivresse exta tique. Le cheikh Ibn' Ata Allah répond un peu à la question ouverte en signalant que : «l'être qui est bas peut s'approcher de celui qui est élevé, mais il ne peut le cernel».
Il ajoute aussi : «Les saints rçoivent les stations spiri tuelles des prophètes mais ils n'en ont pas une vision globale.
A l'inverse, ceux-ci dominent parfaite ment les stations des saints..»
Caractéristiques du Pôle caché
A la lumière de ces dernières observations, il est possible de comprendre pourquoi des saints de son temps et après lui pouvaient ne pas connaître le rang spirituel du cheikh Ahmed Al-Tîdjani. Les grands saints des époques précédentes connaissent cependant l'existence du pôle caché avant l'avènement de son futur détenteur. Seulement, selon
les gnostiques de la Tidjaniyya, hormis l'Imam Ali Ibn Abu Talib, les pôles Abd Al-Salâm Ibn Mashîsh ( l 3e siècle) et Abd Al
Qâdir AI- Jîlanî (12e siècle) et quelques autres saints supérieurs, aucun pieux serviteur ne savait la description physique avant ou après du pôle caché, Toutefois, à l'Assemblée secrète des saints (Dîwan awliya) qui se tient chaque nuit de vendredi, les participqnts ,qui se trouvaient dans le cercle proche du prophete voyaient au-dessus d'eux un siège réservé occupé par un personnage fait de lumière. C'était le cheikh Ahmed Al-Tidjani. A son avènement ce siège fut occulté. Il n'est plus visible et ne le sera plus.
Les dons et les caractéristiques du Pôle caché et du Sceau des saints sont impossibles à décrire en usant de mots et vocables au langage familier. C'est comme l' évocation de la saveur d'une mangue à quelqu'un qui n'a jamais goûté à ce
fruit. En se réfèrant, toujours au cheikh Al-Murtada, El Hadji Omar Tall, on peut esquisser un descriptif. Le cheikh a souligné en parlant de Mohammed et de Al- Tidjani : «J'étais déjà Prophète alors qu'Adam était entre l'eau et l'argile». De même, le Sceau des saints était un saint en acte informé de sa sainteté «alors qu'Adam était encore entre l'eau et; argile» tan-
dis que les autres saints ne le sont (en acte) qu'après avoir rempli toutes ses conditions de la sainteté.. «c'est qu'en effet, Dieu a donné le privilège de la sainteté après avoir donné celui de la prophétie et de la mission : dès la pré éternité l'a choisi (après le sceau des Prophètes) le Sceau des saints (et aussi les autres membres de sa confrérie') purement et simplement, et sans raison d'ordre temporel. ..» .
Le cheikh Al-Murtada poursuit :
«Le Sceau des saints reçoit un certain nombre de qualificatifs : le seigneur des initiés, l'imam des véridiques, le fournisseur en influx des pôles et des recours suprêmes, le pôle caché, l'isthme scellé, la substance des substances. ..Le sceau des saints occupe un grade qui est «le Sceau des grades». Il surpasse tous les grades de la sainteté, et n'a au-dessus de lui que les grades des Prophètes». La grande figure sénégalaise de la mystique musulmane ajoute: «... Le Sceau des saints reçoit non seulement l'influx mohammédien par l'intermédiaire des Prophètes, mais il reçoit encore un influx particulier de l'essence de Mohammed (PsI), directement et sans qu'il passe par les autres Prophètes. Il s'ensuit que tous les influx prophétiques d'abord émanés de la lumière mohammédienne convergent donc vers lui et que c'est lui seul qui les dispensera aux saints» .
Le cheikh Ahmed Al- Tidjani lui-même a parlé de sa station et de son grade spirituels en déclarant que le Sceau répand les influx évoqués, en priorité sur les membres de sa Tarikhat, puis sur les cheikhs des autres voies.
A une question d'un de ses proches disciples, le cheikh Mohammed Al-Ghâlî, maître d'El Hadji Omar aux lieux saints, Al Tidjani a aussi répondu: «Le pôle caché c'est celui que Dieu a caché à toutes ces créatures même aux anges et aux Prophètes, sauf au seigneur de l'Existence (Mohammed Psl)». En clair, le fondateur de a tidjaniyya faisait savoir à son grand disciple :
«Qu'en effet, l'influx particulier du sceau, qu'il a reçu directement de la réalité mohammédienne, et qu'il répand ensuite sur les membres de sa confrérie, les Prophètes n'en ont pas conscience; et cela parce que le sceau a une source (mashrab} en commun avec eux (c'est-à-dire directement dans la réalité mohammédienne}.
Mamadou WADE