Un « mur de la ségrégation »

Habitants et commerçants d'un quartier sensible de Bagdad accusent les forces américaines de les emprisonner derrière un mur de 5 km destiné, selon elles, à prévenir les violences confessionnelles entre chiites et sunnites.


Depuis le 10 avril, des parachutistes américains acheminent des gros blocs de béton dans le quartier d'Adhamiyah, l'une des dernières enclaves sunnites dans l'est chiite de Bagdad.
« Eriger des murs entre quartiers n'est pas une solution pour faire face à l'échec de la sécurité et à la violence rampante, proteste Oum Haider. Si c'en était une, les Bagdadis se retrouveraient du jour au lendemain dans un dédale de murs », assure cette femme de 54 ans.
Contre d'éventuels
escadrons de la mort

« Nous ne voulons pas voir de mur de la ségrégation entre nous et le reste de Bagdad », renchérit un vendeur de parfums.
Selon l'armée américaine, le mur est destiné à empêcher d'éventuels escadrons de la mort chiites de commettre des attentats pour faire fuir les sunnites du quartier, mais aussi des insurgés sunnites d'utiliser cette poche comme base pour commettre des attaques dans les quartiers chiites.
Mais Mme Haider se dit « consternée » par la façon de penser des autorités. « Je crains que ce mur nous isole et nous impose des procédures de sécurité plus strictes. Les commerçants ne pourront plus accueillir leurs clients », ajoute le marchand de parfums.
Alors que des parachutistes américains plaisantent sur cet ouvrage qualifié par certains de « Grande Muraille d'Adhamiyah », en allusion à la Grande Muraille de Chine, d'autres Bagdadis le comparent à celui construit par l'Etat hébreu entre Israël et la Cisjordanie.
« Il apparaît que la séparation par le fédéralisme ne va pas seulement diviser l'Irak mais aussi Bagdad », estime Ali Ibrahim, 29 ans, faisant allusion aux débats du Parlement irakien sur une division de l'Irak en trois régions autonomes.
« Ici, les gens parlent de la nouvelle carte d'identité que le gouvernement (du Premier ministre Nouri) al-Maliki a décidé d'imposer aux habitants d'Al-Adhamiyah. Est-ce parce que nous sommes particuliers ou parce que nous sommes persona non grata ? », interroge-t-il.
« Une grande prison »

Une colère partagée par Moustafa, un informaticien de 25 ans. « La barrière va faire d'Adhamiyah une grande prison », déplore-t-il.
Adhamiyah n'est pas le seul quartier à être entouré de murs, dont l'efficacité contre les attaques n'a pas pu être démontrée jusqu'à présent. Ainsi, la zone verte ultra protégée du centre de Bagdad, qui abrite notamment l'ambassade américaine,est la cible quotidiennes d'attaques au mortier. Et, le 12 avril, un kamikaze s'est fait exploser dans la cafétéria du Parlement, au coeur même de cette zone.
Pour couper court à la polémique sur le mur d'Adhamiyah, le Premier ministre Nouri al-Maliki a en tout cas indiqué hier soir avoir demandé aux Américains l'arrêt de sa construction.