:llllll:
L'immuable Arabie fête sans faste son indépendance
À 80 ans, le royaume, dirigé par le roi Abdallah, réforme à pas lents.
C'est un anniversaire bien discret. L'Arabie saoudite fêtera dimanche ses 80 ans sans tambour ni trompette. La traditionnelle «danse du sabre» a été supprimée dans les réceptions des ambassades. À Riyad, gigantesque capitale plantée au milieu du désert, aucune affiche, aucune banderole ne célèbre le jour où le roi Ibn Saoud donna son nom au pays conquis par le glaive et le Coran. Son fils Abdallah, le souverain actuel, ne devrait d'ailleurs pas se trouver sur le sol saoudien, continuant ses vacances au Maroc.
Les explications des officiels varient. Le pays est en deuil, explique-t-on. À cause de la mort du prince héritier Nayef en juin dernier, affirment les uns. Pour honorer les morts de la répression syrienne, affirment d'autres. Troisième raison possible, le concept de nation n'a jamais plu aux religieux officiels, pour qui l'Arabie est une terre sacrée. Le roi Abdallah n'a imposé la fête nationale qu'en 2005, l'année de son avènement.
Héritiers octogénaires
Mais, au moment où l'Arabie saoudite atteint un âge respectable, la population s'inquiète de l'avenir d'un pays où le monarque, à 89 ans, est plus vieux que son royaume. Le système de transmission horizontal instauré par le roi Abdelaziz Ibn Saoud, qui engendra 47 fils, semble promettre le trône à n'accueillir que des octogénaires.
Deux princes héritiers, Sultan, 87 ans et Nayef, 79 ans, sont morts avant le roi auquel ils devaient succéder. Le plus jeune des fils vivants a 70 ans. Certes, les futures successions devraient se dérouler dans une plus grande transparence. Le roi devra proposer trois noms de princes héritiers à un «Conseil d'allégeance» rassemblant des membres de la famille royale. Le conseil pourra faire ses propres propositions mais, à la fin, c'est toujours le roi qui devrait décider.
Ce pourrait être l'occasion de passer la main aux «jeunes» qui piaffent d'impatience. Toutefois, cette instance n'entrera en fonction qu'après la disparition de Salman, le futur souverain. À 78 ans, ce dernier a bon pied bon œil. Gérant le pays en l'absence du roi, il se rend à son bureau à 7 h 30 chaque matin, obligeant tout le gouvernement à faire de même.
L'héritier «sait écouter mais n'admet aucune contestation du pouvoir royal», glisse un observateur. Salman devrait maintenir le cap fixé par Abdallah: des réformes, oui, une monarchie constitutionnelle, non. Le roi actuel va continuer ses avancées à petits pas. Il envisagerait quelques gestes, dont la nomination de ministres et d'ambassadeurs chiites, une première en Arabie. Un moyen de calmer cette communauté qui s'agite dans l'Est, là où se trouvent les puits de pétrole.
Le pouvoir devrait également continuer à prendre des mesures pour les femmes, contre les vœux de la partie conservatrice de la société et d'une frange islamiste militante. L'autorisation de voyager seule, souvent délivrée automatiquement par les maris «éclairés» pour la durée du passeport, se fait maintenant par Internet. Des usines et des ateliers réservés aux femmes sont en projet dans les centres urbains. Mais le droit de conduire, symbole d'autonomie, n'est toujours pas à l'ordre du jour.
Soutien aux insurgés syriens
Les libertés politiques non plus. Les pétitions demandant une monarchie constitutionnelle ont été ignorées, leurs auteurs intimidés ou arrêtés. Le pouvoir a répondu aux «aspirations du peuple», selon la formule du roi Abdallah, en ouvrant les vannes des ressources pétrolières. Les salaires des fonctionnaires et assimilés - 85 % des emplois - ont presque doublé et le roi a débloqué 130 milliards de dollars pour des primes au logement, l'éducation ou encore l'indemnisation du chômage.
Le printemps arabe n'est pas passé par Riyad. Au sommet de l'État, on veut y voir la validation du système monarchique. «Le souverain estime que la royauté est en phase avec les aspirations de la population, contrairement aux systèmes parlementaires laissés par les Occidentaux dans leurs ex-colonies, qui ont engendré des dictatures», confie un familier du pays.
La dictature ainsi visée est bien sûr la Syrie et, à travers elle, l'Iran et sa menace nucléaire. Après avoir cru en vain à la volonté réformatrice de Bachar el-Assad, Abdallah a fourni de l'aide à une partie de l'insurrection armée. Il envisagerait maintenant de leur procurer des missiles sol-air. Après avoir soigneusement choisi les récipiendaires, sous contrôle américain. L'interdiction du ciel à l'aviation gouvernementale pourrait faire basculer le conflit, estime-t-on à Riyad. Et inaugurer un «endiguement» de l'Iran, le plus beau cadeau possible pour les 80 ans du royaume.
Le figaro.