Aïd al-Adha : mieux vaut ne pas acheter son mouton le premier jour

La frénésie qui caractérise le jour de l’Aïd al-Adha est telle qu’elle crée des conditions particulièrement favorables à la fraude : moutons abattus à l’étranger (Irlande, Grande-Bretagne, etc.) plusieurs jours avant l’Aïd et importés, moutons non halal vendus sous le label halal, moutons abattus en France dans la nuit qui précède la prière de l’Aïd, etc. Or, le sacrifice de l’Aïd n’est valable que si l’animal est 1) abattu selon le rite islamique, 2) abattu après la prière propre à ce jour de fête. Un mouton abattu en Irlande trois jours avant, comme on a pu en trouver ces dernières années chez certains bouchers musulmans ou régulièrement en grande surface, n’est pas un mouton de l’Aïd, même s’il est halal.
Les consommateurs musulmans, victimes et responsables

Paradoxalement, les consommateurs musulmans sont à la fois victimes et responsables de cette situation. Victimes, car ils se font avoir – une fois n’est pas coutume. Responsables, car ils sont encore trop nombreux à vouloir absolument leur mouton le premier jour, alors même qu’ils disposent de trois jours (les trois jours de tachriq) pour s’acquitter de ce sacrifice. Or, c’est précisément parce que les musulmans sont très nombreux à vouloir leur mouton le premier jour que les prix flambent et que les fraudes sont fréquentes. Les éleveurs français, étranglés toute l’année par le rouleau compresseur de l’industrie agro-alimentaire, trouvent dans l’Aïd al-Adha un moyen de survie et en profitent pour vendre leurs agneaux au prix fort. De même, il n’est pas rare que des bouchers profitent d’une demande très forte le premier jour pour s’assurer de belles marges.

Le premier jour est ainsi un jour où le chiffre d’affaires explose au détriment des consommateurs. Pour autant, cette situation n’est pas inéluctable. Les consommateurs musulmans peuvent en effet aisément changer la donne, à condition qu’ils prennent conscience de cet état de fait et qu’ils soient convaincus qu’ils ont tout intérêt à ne pas acheter leur mouton le premier jour. En n’exigeant pas de recevoir leur mouton le premier jour, ils feront immédiatement baisser les prix et ils cesseront de faire de cette fête une machine à cash pour les fraudeurs.
Des moutons moins chers, des fraudeurs gênés

Longtemps en France, les musulmans ont procédé eux-mêmes au sacrifice de leur mouton de l’Aïd al-Adha, toujours le premier jour. De même, dans les pays musulmans, cet acte d’adoration est observé le premier jour, si bien que, dans l’inconscient collectif, il ne peut y avoir de sacrifice du mouton de l’Aïd al-Adha les deux et troisième jour. Ce qui est évidemment faux. Nous avons trois jours pour nous acquitter de cette œuvre pieuse. En l’état actuel du marché, les consommateurs musulmans devraient réfléchir à deux fois avant de se précipiter chez leur boucher et d’exiger un mouton le premier jour. Un mouton du troisième jour peut coûter plusieurs dizaines d’euros moins cher qu’un mouton du premier jour. C’est une réalité qu’il faut réussir à faire entendre aux consommateurs musulmans, car nous avons là un véritable levier non seulement qui est immédiatement favorable aux consommateurs, à qui il n’est pas demandé de gros efforts, mais encore qui a des répercussions importantes qui vont dans le sens d’un assainissement du marché.

Soyons clair, cette année ne devrait pas déroger pas à la règle. Qu’il s’agisse de certaines enseignes de la grande distribution ou de bouchers musulmans peu scrupuleux, il y aura des moutons non halal et/ou abattus avant la prière de l’Aïd. Citons deux cas classiques :

1) la grande distribution fait abattre à l’étranger les moutons commandés dix jours avant, elles les réceptionnent, puis elle les vend quelques heures après la prière de l’Aïd. Avec le temps, certains magasins, pour ne pas trop attirer l’attention des consommateurs vigilants, ont appris à ne pas éveiller les soupçons en cessant de proposer aux clients de venir chercher leur mouton trop tôt.

2) Le boucher arrive dans la nuit à l’abattoir et n’attend pas la prière de l’Aïd pour faire abattre ses moutons. Comme il a promis à ses clients qu’ils auront leurs moutons pour midi, il lui faut commencer le plus tôt possible. Trop de familles musulmanes veulent absolument servir à leurs convives de l’Aïd un bon plat préparé avec la viande de ce mouton qu’elles ont commandé chez leur boucher. Il est alors impératif qu’elles le reçoivent le plus tôt possible. Mais combien ont conscience qu’un mouton récupéré à midi au supermarché ou chez son boucher, qui se targue de servir tout le quartier, est un mouton sinon douteux tout au moins arrivé bien tôt pour ne pas susciter quelques interrogations ?

En n’exigeant pas leurs moutons le premier jour, les consommateurs musulmans font baisser la pression que se mettent ces professionnels qui ont moins d’intérêt à frauder. Évidemment, ça n’empêchera pas la triche, mais ça gênera les margoulins. Ajoutons, sur un autre registre, que répartir les commandes et les ventes de moutons sur plusieurs jours permet d’assurer une meilleure qualité de service qui au final profite aux consommateurs.

:salmoualykoum5

Salam aleykoum,