De nos jours, il n’est pas rare de voir des jeunes musulmans européens porter le « qamis » et couvrir leurs têtes d’une « ‘imama » ou d’une « taqiyya » ou de voir des jeunes musulmanes porter le « jilbab », pensant que ces vêtements sont en soi la véritable tenue islamique ; les seuls vêtements qui respecteraient la norme islamique ; les seuls vêtements conformes à la Sunna.
Pour certains jeunes, ce genre de vêtements sert à revendiquer leur islamité. Tous ceux qui portent ces vêtements seraient plus musulmans que les autres, du moins, plus conformes à l’islam que les autres. Plus grave encore, certains font du port de ces vêtements un devoir religieux et une marque de piété, considérant que le port de vêtement dits « occidentaux » serait une marque d’impiété.
Mais, l’islam a-t-il instauré une « tenue islamique » ; un « uniforme islamique », ou a-t-il apporté une éthique vestimentaire laissant la forme à la convenance des usages et des traditions des gens qui varient d’un lieu à un autre et d’une époque à une autre ?
En réalité le qamis n’est pas un vêtement islamique de même que la « ‘imama », la « taqiyya », ou l’uniforme féminin appelé de nos jours « jilbab ». Tout simplement, parce que l’islam n’est pas venu instaurer un code mais une éthique vestimentaire. Quant à la forme, la longueur ou l’ampleur, elles sont déterminées par la norme sociale ou l’habitude des gens (Al-‘urf). Seuls l’excès et la vanité sont prohibés.
Le Prophète (BDSL) dit : « Mangez, buvez, habillez-vous et faites l’aumône, sans excès ni vanité »[1]
Ibn ‘Abbâs, que Dieu l’agrée dit : « Mange ce que tu veux et porte les vêtements que tu veux, tant que tu évites deux choses : l’excès et la vanité »[2]
L’usage fait donc loi en la matière.
En effet, c’est l’environnement qui façonne la tenue vestimentaire. Le climat chaud exige de couvrir la tête et la nuque. Il est aussi plus confortable, dans un environnent chaud, de porter des habits amples et blancs. Alors que dans un environnement froid, la recherche de la chaleur pousse à porter des vêtements plus près du corps et à choisir des couleurs plus sombres.
A noter ici que tous les hadiths relatant les mérites de la « ‘imama » sont faibles, voire forgés, et n’ont donc aucune valeur scientifique, dont le hadith : « Tenez-vous à la « ‘imama » car c’est un signe distinctif des anges et laisser-la pendre derrière le dos »
Pour se convaincre que l’habillement relève du culturel et non pas du cultuel, il suffit de constater que les différents pays musulmans adoptent des tenues vestimentaires différentes. Dans un seul pays, cette tenue peut varier d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre. Le point commun étant la conformité à une même éthique ; aux normes vestimentaires instaurées par l’islam.
D’ailleurs, à l’époque du Prophète (BDSL) les compagnons ne s’habillaient pas tous de la même façon. Il n’y avait pas d’uniforme qui s’imposait à tous. La plupart des mecquois portaient des vêtements très simples : un « izar », un tissu mis à la taille et un « rida » un tissu mis sur les épaules. Ils ne connaissaient pas les habits cintrés qui s’ajustaient à la forme du corps « al-makhit » portés notamment pas les médinois.
Lesquels étaient plus conformes à la Sunna : les émigrés « al-mouhajiroun » qui portaient le « izar » et le « rida », ou les « ansars » qui portaient « al-makhit » ? Les uns et les autres, indépendamment de la forme, car tous le deux respectaient l’éthique musulmane en matière d’habillement.
Plus encore, les musulmans ne se distinguaient pas par l’habillement du reste des arabes idolâtres. Les musulmans comme les non-musulmans portaient les habits que les arabes portaient habituellement en Arabie. Ils se distinguaient par leur foi, leur spiritualité et leur bon comportement.
Pourquoi vouloir alors imposer un code vestimentaire unique ? Quels sont alors les règles qui définissent l’éthique vestimentaire musulmane ?
Il existe à ce sujet deux règles spécifiques :
1- Couvrir les parties intimes du corps « al-‘awra » :
Pendant la Prière, la « ‘awra » de l’homme est située entre le nombril et les genoux. En présence de femmes étrangères[3], l’homme doit également couvrir le torse, le dos et les épaules.
Pour la femme, elle doit couvrir tout son corps à l’exception du visage et des mains, pour la majorité, à l’exception du visage, des mains et des pieds pour les hanafites.
En ce qui concerne plus particulièrement la femme, certains lui imposent un uniforme appelé « jilbab » pensant qu’il s’agit de la seule tenue féminine conforme aux règles de l’islam, le qualifiant même de « tenue islamique », sous prétexte qu’il est mentionné dans le Coran.
Deux termes ont été utilisés dans le Coran au sujet de la tenue vestimentaire féminine : « jilbab »[4] et « khimar »[5].
Le terme arabe « khimar » désigne ce qui couvre la tête. Quant au « jilbab », il désigne selon « lisan al-‘arab », le « khimar » ou le « rida » qui est une sorte de châle. Selon ibn Hajar : « Le jilbab est un vêtement plus court et plus large que le « khimar » »[6]. Auparavant, les femmes avaient l’habitude de mettre un « khimar » ou « jilbab » sur la tête mais le rabattaient derrière le dos découvrant ainsi le cou et le bas du cou. Dieu leur ordonna alors de rabattre ce voile de sorte à couvrir le cou et le bas du cou.
Le jilbab, dans sa définition juridique islamique, n’a donc rien avoir avec l’uniforme saoudien que certains veulent imposer aux femmes musulmanes du monde entier !!! Le fait d’avoir donné le nom de « jilbab » à cet uniforme n’en fait pas la forme de tenue imposée par l’islam. L’enseignement n’est pas tiré des appellations mais de leurs contenus. On interrogea l’imam Malik sur un poisson appelé « cochon de mer ». Il dit : « C’est vous qui l’avez appelé cochon ! » Il ne faut donc pas confondre le terme « jilbab » utilisé dans le Coran et le jilbab désignant l’uniforme saoudien !
La règle est donc de cacher la « ‘awra », c’est là la fonction principale du vêtement. Quant à la forme, elle relève des cultures et des habitudes.
Cacher la « ‘awra » revient à ce que le vêtement ne soit ni transparent ni moulant[7].
2- La beauté : Cette règle est rarement mentionnée. Elle est pour certains, contraire à l’islam ! Alors que le Prophète (BDSL) nous informe que « Dieu est Beau, Il aime la beauté » (rapporté par Mouslim). Le Prophète (BDSL) dit ceci en réponse à cet homme qui demanda : « J’aime que mon habit soit beau et que mes chaussures soient belles » Le Prophète (BDSL) dit également : « Arrangez vos habits jusqu’à paraître beaux parmi les gens », car Dieu n’aime pas la laideur et la vulgarité » (rapporté par Ahmed et Abou Daoud. Déclaré « valide-sûr » (sahih) par al-Hakim et adh-Dhahabi).
Cette règle négligée aujourd’hui était observée du temps du Prophète (BDSL), en voici quelques exemples :
- S’étant désacralisée de la ‘Omra, Fatima, que Dieu l’agrée, mit des vêtements colorés et appliqua du khol sur les yeux. Lorsque ‘Ali, que Dieu l’agrée, lui reprocha ce comportement elle dit : « C’est mon père qui me l’a ordonné » ‘Ali alla se plaindre auprès du Prophète (BDSL) qui lui dit : « Elle dit vrai, elle dit vrai ! C’est moi qui le lui a ordonné » (rapporté par Mouslim). Ainsi, Fatima, la meilleure femme du paradis portait des vêtements colorés, pendant les jours du Pèlerinage (entre la ‘Omra et le Pèlerinage) sous l’ordre du Prophète (BDSL) !
- Selon le hadith rapporté par al-Boukhari et Mouslim, Soubay’a al-Aslamiyya a accouché quelques nuits après le décès de son mari, mettant ainsi fin au délai de veuvage. Lorsque la période des lochies atteignit son terme, elle se fit belle pour les prétendants au mariage.
- D’après ‘Aïsha, que Dieu l’agrée, le Prophète (BDSL) a dit d’Ousamma ibn Zeyd, qu’il aimait particulièrement : « Par Dieu ! Si Ousama était une fille, je l’aurais embellie et parée de bijoux pour la marier ».
Telle était la situation naturelle dans la société du temps du Prophète (BDSL), et les choses ont continué ainsi jusqu’à voir des individus qui appellent à ce que deux seules couleurs n’apparaissent dans la société : les hommes en blanc et les femmes en noir ! Imposant des conditions, en particulier pour les femmes, sans aucun fondement, exigeant par exemple que la tenue de la femme ne doit pas attiré le regard ! De quel regard s’agit-il ? D’un homme équilibré ou déséquilibré ? Comment la femme pourrait-elle savoir si son vêtement attire le regard ou pas ? Connaît-elle le goût de tous les hommes ? Et qui attire plus le regard dans notre contexte ? Celle qui porte ce fameux jilbab saoudien ou celle qui ne le porte pas ?
Une question fut posée à cheikh Youssef al-Qaradawi à propos d’une femme qui s’est mise à porter le « voile » (khimar) mais qui semblait encore plus belle en le portant. Il répondit : « Et qui vous a dit que le rôle du « hijab » était d’enlaidir ? »
Au contraire, à l’époque du Prophète (BDSL), lorsqu’une femme délaissait l’embellissement, cela exprimait son insatisfaction quant à sa vie de couple dû au manquement et de la négligence de son époux à son égard. ‘Aïsha, que Dieu l’agrée dit : « Khawla Bintou Hakim, épouse de ‘Othman ibn Madh’oun entra chez moi. Lorsque le Prophète (BDSL) constata son aspect négligé, il me dit : « Ô ‘Aïsha, quelle négligence dans l’aspect de Khawla ! » Je dis : « Ô Messager de Dieu ! C’est une femme sans homme » (c’est à dire qu’elle est comparable à une célibataire étant donné que son mari la néglige). Dans une autre version : « L’épouse de ‘Othman ibn Madh’oun avait l’habitude de s’appliquer le henné et de se parfumer. Un jour, elle entra chez moi sans parfum et sans henné. Je lui dis : « Qu’as-tu ? » Elle dit : « ‘Othman n’aime plus la vie et n’aime plus les femmes … » Lorsque le Prophète (BDSL) le rencontra, il lui dit : « Ô ‘Othman ! N’as-tu pas en moi un excellent modèle ? Il dit : « Si ! » Il lui dit alors : Moi je fais telle et telle chose et ta femme a un droit sur toi. » Après cela, Khawla vint les voir. Elle était parfumée[8] telle une nouvelle-mariée. Nous (‘Aïsha en compagnie d’autres femmes) lui dîmes : « Qu’est ce qui s’est passé ? » Elle dit : « Il m’est arrivé ce qu’arrive aux gens ! » (les deux versions rapportées par Ahmed)
Dans un autre hadith : Le Prophète (BDSL) a fraternisé entre Salman et Abou ad-Darda. Un jour, Salman rendit visite à Abou ad-Darda. Il vit Oum ad-Darda avec des vêtements sombres et austères. Il lui dit : « Qu’est-ce que tu as ? » Elle dit : « Ton frère Abou Ad-Darda, a renoncé à la vie d’ici-bas … (tout ceci en absence de Abou ad-Darda !) Abou ad-Darda arriva et Salman lui dit : « Sache que Ton Seigneur a un droit sur toi, que ta femme a un droit sur toi et que ta propre personne a un droit sur toi. Aussi, accorde à chacun son droit » Abou ad-darda alla voir le Prophète (BDSL) et l’informa de cette discussion. Le Prophète (BDSL) lui dit alors : « Salman a raison. » (rapporté par al-Boukhari).
Les choses étaient si simples ! Elles sont si compliquées de nos jours !
Le choix individuel doit tenir compte de l’intérêt général :
Certains pourraient dire : mais moi je porte le qamis parce que j’aime bien, ou je porte le jilbab parce que c’est plus pratique. Un autre dira : j’ai le droit de porter ce que je veux…
Il s’agit d’un choix personnel et égoïste qui ne tient pas compte de l’intérêt de l’islam et des musulmans en France et en Europe.
Il est notoirement connu que l’intérêt collectif prime sur l’intérêt individuel. Porter le qamis, la ‘imama ou le jilbab saoudien ternissent l’image des musulmans dans la société. Pourquoi donc s’obstiner à porter ce genre de vêtements, qui rappelons-le, ne relèvent absolument pas de la Sunna du Prophète (BDSL) au risque de porter atteinte à l’image de l’islam ? Le musulman ne se distingue pas par son habit. Le qamis ne fait pas le musulman de même que le jilbab ne fait pas la musulmane. Le musulman se distingue par les valeurs humaines qu’il porte en lui ; par son utilité à la société.
En guise de conclusion, je cite ici les propos d’Ibn Taymiya tiré de son livre « iqtida as-sirat al-moustaqim » concernant les musulmans vivant en terre non-musulmane. Il dit : « Si le musulman se trouve dans une terre non-musulmane il ne lui est pas demandé de se distinguer des gens du Livre pour les préjudices que cela peut impliquer. Au contraire, il lui est recommandé, voire obligatoire, de s’associer parfois à eux, dans ce qui relève de l’apparence si ceci présente un intérêt religieux »[9]
Ainsi, les caractéristiques de la tenue vestimentaire de l’homme et de la femme sont fixées par ce que dicte et accepte la société locale. Pour ce qui concerne la femme, elle doit couvrir ses atouts physiques d’une manière convenable et « quel porte, comme l’a dit le Prophète (BDSL), après cela ce qu’elle veut comme habit coloré : teint au carthame (de couleur rosâtre), habit de soie, des bijoux, des pantalons, des robes ou des chaussures .. »[10] ; le tout sans excès ni vanité.
Moncef Zenati
[1] – Rapporté par Al-Bukhârî et Ibn Abû Ad-Dunyâ.
كلوا واشربوا والبسوا وتصدقوا في غير إسراف ولا مخيلة
[2] – Rapporté par Ibn Abû Shayba
كل ما شئت والبس ما شئت ما أخطأتك اثنتان: سرف أو مخيلة
[3] – qui ne font pas partie des femmes liées à lui avec un lien de parenté entrainant la prohibition permanente du mariage.
[4] – (33 : 59)
[5] – (24 :31)
[6] – voir «
[7] – L’homme ne doit pas porter des vêtements spécifiques aux femmes et vis-et-versa.
[8] – Cela prouve que ce qui est interdit en matière de parfum ce n’est pas le fait de se parfumer en soi, mais c’est de se parfumer dans l’intention de séduire, c’est dans ce sens que le Prophète (BDSL) dit : « Lorsque la femme se parfume et passe près des hommes pour qu’ils sentent son odeur, elle est une fornicatrice »
[9] – « iqtida as-sirat al-moustaqim fi moukhalafat as-hab al-jahim » d’Ibn Taymiya 1/176
[10] – hadith authentique rapporté par Abou Daoud d’après ‘Abdoullah ibn Mas’oud qui dit avoir entendu le Prophète (BDSL) interdire aux femmes pendant leur état de sacralisation : les gangs, le voile intégral (niqab), les vêtements touché de Sfran et qu’elle porte après cela …