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| faire une chose différemment du Prophète | |
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oumrayan 4 Grades
Nombre de messages : 1285 Age : 67 Localisation : france Date d'inscription : 15/11/2012
| Sujet: faire une chose différemment du Prophète 2013-04-22, 22:37 | |
| Serait-il interdit de faire une chose différemment du Prophète ?
Chaque acte fait par le Prophète (sur lui la paix) fait partie de la sunna, qui, rappelons-le, signifie "tout ce que le Prophète a dit, ou a fait, ou a approuvé". C'est ainsi qu'il est rapporté du Prophète aussi bien sa façon d'accomplir la prière (salât) que sa façon de vendre et d'acheter avec les moyens de l'époque par exemple.
Est-on dès lors obligé de tout faire exactement comme à l'époque du Prophète : porter les mêmes types de chaussures que lui, etc ? Ou bien a-t-on le droit d'avoir recours à d'autres formes ? Si oui, pourquoi ne pas avoir également recours à d'autres formes de culte que celle accomplies par le Prophète ? Quelle est la différence ?
En fait il y a, dans tout ce qu'a fait le Prophète, d'une part ce qu'il a fait en tant qu'acte cultuel (ta'abbudî), et d'autre part ce qu'il a fait en tant qu'acte non-cultuel ('âdî) : soit qu'il l'a fait de façon fortuite, soit qu'il l'a fait ainsi parce que c'était le moyen technique de l'époque. Mais il vous faut tout d'abord comprendre les concepts islamiques du cultuel et du non-cultuel, ce que je vous invite à découvrir en cliquant ici. Dès que vous avez compris d'une part ce que l'islam dénomme "cultuel" (ou "religieux") et ce qu'il dénomme "habituel" (ou "temporel"), et d'autre part que ces termes désignent en Islam des concepts différents de ce qu'ils désignent en Occident, vous pouvez comprendre ce qui suit...
Pour ce qui est de la prière rituelle, se tenir debout, se courber, se prosterner, s'asseoir de la même façon, etc., que le Prophète est nécessaire, car ces gestes sont entièrement cultuels (ta'abbudî). Elaborer une autre forme mène alors à l'innovation (bid'a). Au contraire de l'importation de marchandises à dos de chameaux spécifiquement, qui n'est pas en soi un acte cultuel. D'autres moyens peuvent donc être élaborés (comme la vente par Internet, par exemple). Cependant, attention : ici aussi, le Prophète a institué des éléments cultuels (ta'abbudî) : il s'agit des règles qu'il ou que Dieu a formulées à propos de la vente et de l'achat, et qui disent entre autres que sont interdits l'intérêt, la vente de ce qu'on ne possède pas encore, le mensonge relatif à la marchandise, et qu'est obligatoire le paiement de la zakâte, etc. etc. Ce sont ces éléments qui induisent du culte dans la vente, (parce qu'ils consistent en une obéissance à ce qu'agrée Dieu), et non la vente en elle-même. Ici, c'est donc élaborer d'autres éléments que ceux-ci qui mène à l'innovation (bid'a). Au contraire de la prière rituelle (salât) qui, elle, n'est composée que d'éléments cultuels (ta'abbudî), et qui dépend donc entièrement des formes faites par le Prophète.
Dires de Compagnons du Prophète sur le sujet :
Des Compagnons du Prophète (sur lui la paix) eux-mêmes ont tenu compte du caractère de certains faits et actes du Prophète.
Ainsi, Ibn Mas'ûd disait de l'accomplissement en groupe (jamâ'ah) de la prière rituelle (salât) que cela relevait des "sunan ul hudâ", et que "si vous délaissez les "sunan ul hudâ", vous vous égarerez" (rapporté par Muslim, n° 654).
Ubayy ibn Kaab dit un jour : "Faire la prière vêtu d'un seul vêtement est une sunna : nous le faisions à l'époque du Prophète et cela ne nous était pas reproché." Ibn Mas'ûd dit alors : "Cela, c'était lorsque les gens disposaient de peu de vêtements. Mais lorsque Dieu a accordé davantage de possibilités, il est mieux de faire la prière en portant deux vêtements" (rapporté dans Zawâ'id ul-musnad, cité dans Mishkât, n° 771).
Au sujet du fait que le Prophète était à dos de chameau lors du cheminement entre les monticules Safâ et Marwah, pendant le pèlerinage à La Mecque, Abu-t-Toufayl vint trouver Ibn Abbâs et lui dit : "Les gens disent que le Prophète a cheminé entre les monticules Safâ et Marwa à dos de chameau, et que c'est une sunna. - Ils ont dit vrai et ils ont dit faux, répondit Ibn Abbâs. - Qu'ont-ils dit vrai, qu'ont-il dit faux ? - Ils ont dit vrai : le Prophète était effectivement à dos de chameau lorsqu'il chemina entre les monticules Safâ et Marwa. Ils ont dit faux : ce n'est pas une sunna : le Prophète n'y a cheminé à dos de chameau que parce que les gens étaient devant lui et qu'il voulait qu'ils entendent ses propos, voient ce qu'il faisait, et ne l'écrasent pas" (rapporté par Aboû Dâoûd, n° 1885, et Muslim, n° 1264). Par ses mots "ce n'est pas une sunna", Ibn Abbâs voulait dire ici qu'il ne s'agit pas d'une sunna relevant des "sunna ta'abbudiyya". C'est également dans ce sens qu'Ibn Mas'ûd avait dit ce qu'il avait dit à propos du fait de prier en ne portant qu'un seul vêtement.
Ecrits de savants musulmans sur le sujet :
Ce qui précède fait que des savants musulmans ont catégorisé ainsi les faits et gestes du Prophète :
il y a ce qu'il a fait en tant qu'acte cultuel (ta'abbudî), qui est une sunna qui relève de la catégorie des "sunna ta'abbudiyya" (dont l'ensemble est aussi appelé : "sunan ul hudâ"),
et il y a ce qu'il a fait en tant qu'acte habituel ('âdî), qui est une sunna qui relève de la catégorie des "sunna 'âdiyya" (dont l'ensemble est aussi appelé : "sunan uz-zawâïd").
Un savant indien du 18ème siècle, Mullâ Jîwan, a explicitement mentionné cette classification dans son ouvrage sur les principes du droit musulman, Nûr ul anwâr (p. 171). Il écrit ainsi à propos de la deuxième catégorie de sunna, les "sunan uz-zawâïd" : "Il s'agit de ce qui a été fait par le Prophète non pas en tant que culte, pour se rapprocher de Dieu, mais en tant qu'acte d'habitude ('âdî) (...).". "Il n'y a pas de reproche fait à celui qui ne le pratique pas". "Celui qui le pratique sera récompensé par Dieu". Et Mullâ Jîwan de mettre en exergue la différence avec la première catégorie de sunnas, les "sunna ta'abbudiyya", dont certaines sont obligatoires et d'autres recommandées (Nûr ul-anwâr, p. 171).
Le savant indien Shâh Waliyyullâh (18ème siècle également) n'a, pour sa part, pas explicitement mentionné cette classification avec ces dénominations, mais il a fait mention de la différence existant entre différentes choses pratiquées par le Prophète (sur lui la paix) : ce que le Prophète a fait en tant que 'âda et non en tant que 'ibâda ne relève pas directement de l'objectif de la mission du Prophète, écrit-il (Hujjat ullâh il bâlighah, tome 1 p. 372). Et considérer nécessairement tout ce que le Prophète a fait comme relevant systématiquement de la 'ibâdah relève de l'excès, écrit-il aussi (Ibid., tome 1 p. 349).
Le savant Ibn Taymiyya est parvenu à des conclusions assez proches, sans pour autant avoir recours à la même terminologie : lire à ce sujet le "Quatrièmement" de notre article : "Peut-on donner à un acte la forme culturelle coutumière de la région du monde où l'on vit quand les textes mentionnent une autre forme pour cet acte ?"
Qu'en est-il du caractère de la mise en pratique de ces sunna 'âdiyya ?
Il y a deux avis sur le sujet (cf. Ussûl ul-fiqh il-islâmî, Wahba az-Zuhaylî, 1/478) :
Certains savants pensent que la mise en pratique de ces sunna 'âdiyya est recommandé (mustahabb), mais d'un caractère moindre que le "recommandé ta'abbudî" : c'est pourquoi on rajoute ici le terme "zâ'ïd" et on parle de "mustahabb zâ'îd" ou "kamâlî".
D'autres savants sont d'avis que ce genre de moyens relèvent du purement permis (mubâh).
Il est à noter que Mullâ Jîwan a relaté le premier avis en p. 171 de son ouvrage suscité, mais semble avoir donné place au second avis en p. 217 du même ouvrage.
Un exemple :
L'exemple de la brosse à dents est ici parlant : le fait de se purifier la bouche est une sunna relevant des "sunna ta'abbudiyya", sunna sur laquelle le Prophète a beaucoup insisté. On a le droit en islam, pour pratiquer cette sunna, d'avoir recours à une forme de brosse à dents autre que celle qu'utilisait le Prophète à son époque (le bâtonnet d'arak), pourvu qu'elle tienne compte de ce que Dieu et Son Prophète ont déconseillé ou interdit (par exemple l'utilisation de soies porcines) (voir Fiqh us-sunna, as-Sayyid Sâbiq, tome 1 p. 53 ; c'est également ce que an-Nawawî a relaté être l'avis de Abû Hanîfa : voir Al-Madkhal li dirâsat is-sunna). Certains musulmans ont choisi d'adhérer au premier des deux avis suscités, et d'utiliser comme moyen le bâtonnet d'arak même. Ils seront inshâ Allâh récompensés par Dieu pour cette imitation d'un acte qui relève d'une sunna d'entre les "sunna 'âdiyya".
Il n'est pas toujours aisé de distinguer les sunna 'âdiyya des sunna ta'abbudiyya :
Il faut cependant noter qu'il n'est pas toujours aisé de distinguer ce qui, des faits et actes du Prophète, est cultuel et ce qui est non-cultuel. Ainsi, du fait que le Prophète se soit installé pendant quelques jours à al-Abtah, lors du pèlerinage à La Mecque, Aïcha pensait que c'était un acte purement fortuit ('âdî) et non pas cultuel (ta'abbudî). Elle disait : "S'installer à al-Abtah n'est pas une sunna. Le Prophète ne s'y était installé que parce que cela lui permettait de partir plus facilement." (Comme dans le propos de Ibn Abbâs, "ce n'est pas une sunna" dans cette parole de Aïcha signifie qu'il ne s'agit pas d'une "sunna ta'abbudiyya".) Ibn Abbâs et Aboû Râfi' étaient du même avis. Ibn Umar et d'autres Compagnons du Prophète, cependant, pensaient qu'il s'agissait bien d'un acte cultuel (ta'abbudî) du Prophète, autrement dit d'une sunna relevant des "sunna ta'abbudiyya". (Ces deux avis sont rapportés par Muslim, n° 1311 et suivants.)
Au lieu de se prononcer à la va-vite, il faut donc être prudent et se renseigner auprès de savants musulmans.
Les deux extrêmes qu'il faut savoir éviter ici :
A propos des "sunna 'âdiyya" ("sunan uz-zawâïd"), deux extrêmes sont parfois visibles dans la Communauté musulmane, qui doivent être évités.
Le premier extrême est qu'on croit trop souvent que "suivre la sunna du Prophète" signifie avant toute chose : s'asseoir par terre pour manger, manger avec ses doigts, utiliser le bâtonnet d'arak pour se brosser les dents, etc. Et tout l'accent est mis sur la mise en pratique de ces éléments principalement. Alors qu'en fait, si ces éléments font effectivement partie de "la sunna", il s'agit de "sunna 'âdiyya". Or, trop souvent :
1) on croit que ne pas pratiquer ce qui relève de "sunna 'âdiyya" revient à "ne pas pratiquer la sunna du Prophète, donc à ne pas aimer celui-ci" ! Alors que nous avons vu que même selon les savants tenants du premier des deux avis cités plus haut, il "n'y avait pas de reproche fait à celui qui" avait recours à d'autres formes que celles des "sunna 'âdiyya", pourvu qu'il tenait compte des règles édictées par le Prophète (c'est-à-dire des "sunna ta'abbudiyya") dans l'application des nouvelles formes ;
2) on oublie d'autre part que les "sunna ta'abbudiyya" sont elles aussi des sunna, et qu'il s'agit de tout ce que le Prophète a fait, a dit et a approuvé, et ce aussi bien pour ce qui relève des croyances, de la spiritualité, que des règles relatives aux formes purement cultuelles comme aux choses mondaines. Et que, contrairement à ce qui relève des "sunna 'âdiyya", ici un nombre conséquent de sunnas est obligatoire. Or, de la négligence de ces sunnas on ne parle que très peu, et de façon secondaire ! N'inversons donc pas les places : ce qui dans la sunna est obligatoire ne doit pas être considéré comme secondaire. Et ce qui dans la sunna est tout au plus recommandé de façon secondaire (mandûb zâ'ïd / kamâlî) et ne doit pas être considéré obligatoire.
Il ne faut cependant pas verser ici dans l'autre extrême : si on a bien le droit de choisir d'autres formes que celles des "sunna 'âdiyya", on ne doit ni mépriser ces dernières, ni se moquer de ceux qui les pratiquent. Car ceci reviendrait à mépriser ce que le Prophète a fait (même en tant qu'acte non-cultuel - 'âdî), ce qui serait grave et endommagerait notre foi (îmân). Choisir une autre forme que celle d'un acte non cultuel est une chose, mais se moquer de cette forme non-cultuelle est autre chose.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux)
sources: www.maison-islam.com | |
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