Le 30 avril 2012, à 23h59, Paul Miller s’est déconnecté. Complètement. Il a débranché son câble Ethernet, coupé son wifi, échangé son smartphone avec un portable moins intelligent. Miller avait décidé de revenir à la vie réelle en quittant le monde virtuel –un monde auquel il appartenait complètement, puisqu’il était journaliste spécialisé en technologie sur le site The Verge.
«J’abandonne l’une des cinq plus importantes innovations technologiques de tous les temps pour un peu de paix et de calme», avait-il écrit la veille.
Un an plus tard, pourtant, Paul Miller est de retour sur le Net. Dans un long récapitulatif de ces 365 jours sans World Wide Web, l'homme explique pourquoi son expérience n’a pas été concluante.
«Mon plan était de quitter Internet et ainsi de trouver le “vrai” Paul, entrer en contact avec le “vrai” monde, mais le vrai Paul et le vrai monde sont déjà liés inextricablement à Internet. Non pas que ma vie n’était pas différente sans Internet. Simplement, ce n’était pas la “vraie” vie.»
Paul Miller a d’abord profité de son existence déconnectée: il a lu des livres tangibles, se concentrant pendant plus de 10 minutes sur un seul texte. Il s’est repéré avec des plans en papier, a rendu visite à ses proches au lieu de leur envoyer des mails, et a reçu du courrier physique de ses lecteurs qui le remerciaient d’avoir osé quitter la Toile (il continuait d’écrire pour The Verge au sujet de la vie hors connexion... sans pouvoir envoyer ses articles par mail.)
La soeur* de Miller, aussi, a apprécié le changement, remarquant qu’il l’écoutait plus et était «moins un connard». Lui qui se souvenait à peine de la vie avant le Web se sentait pousser des ailes.
Mais une fois que le sentiment de nouveauté s’est dissipé, Paul Miller s’est senti seul. Il n’avait pas toujours envie d’aller rendre visite à ses amis. Il ne pouvait pas répondre à toutes les lettres qu’on lui envoyait. Surtout, il s’est rendu compte qu’«Internet n’est pas une activité individuelle, c’est quelque chose qu’on fait les uns avec les autres. Internet, c’est là où sont les gens».
Du coup, quitter Internet n’a pas résolu les problèmes de Paul Miller. Au contraire. Il explique qu’il a dormi toute la dernière journée de sa cure sans Internet.
«Il est 20h00 et je viens de me réveiller. Je suis allé au café du coin pour dîner, regarder les Knicks jouer, lire deux journaux et le New Yorker. Maintenant, je suis en train de regarder Toy Story, regardant à l’occasion le curseur clignotant sur ce texte, dont j’aimerais qu’il s’écrive tout seul, inventant les épiphanies que m’a vie n’a pas réussi à produire.»
Conclusion: ce n'est pas à cause d'Internet qu'on n'a pas de vie. C'est à cause de nous-mêmes. Le 1 mai 2013 marque le début de la vie re-connectée de Paul Miller.
D.D.
* Correction: il s'agit de sa soeur, et non de sa copine comme indiqué par erreur initialement. Toutes nos excuses.
http://www.slate.fr/life/71899/un-an-deconnecte-internet