Alors que les autorités algériennes appliquent un black-out sur la santé du président Abdelaziz Bouteflika, admis le 27 avril dernier à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, selon nos informations, confirmées par deux sources dont une militaire, le président algérien est toujours soigné dans l'établissement parisien et se trouve «dans un état grave».
Hospitalisé voilà près d'un mois pour une récidive d'un cancer de l'estomac pour lequel il avait déjà été traité en 2006, Abdelaziz Bouteflika aurait vu son état s'aggraver et serait désormais, selon ces mêmes sources, en soins intensifs.
Un peu plus tard dans la soirée de lundi, le gouvernement algérien est sorti très brièvement de son silence. Dans une déclaration rendue publique par l'agence APS, le Premier ministre Abelmalek Sellal affirme que le président Bouteflika doit observer «un strict repos» mais que son pronostic vital n'a «jamais» été engagé. Et, précise le texte, sa santé «s'améliore de jour en jour». M. Sellal s'en est par ailleurs pris «à certains médias étrangers» qui, en diffusant selon lui «de fausses informations concernant le président» et «les institutions républicaines», visent en fait l'Algérie «dans ses fondements républicains, son développement et sa sécurité».
Pour leur part, les autorités françaises ne laissent filtrer aucune information, Paris considérant qu'il appartient à l'Algérie de communiquer sur la santé de son président.
La question de la santé de Bouteflika relance de plus belle les conjectures dans la perspective de l'élection présidentielle prévue dans moins d'un an. Ces derniers jours, les appels se sont multipliés dans la presse en vue de l'application de l'article 88 de la Constitution sur une procédure d'empêchement du président.
Deux journaux saisis à Alger pour avoir voulu publier un dossier alarmantDimanche, deux journaux qui voulaient publier un dossier alarmant sur la santé du président algérien ont été saisis. Le Parquet d'Alger a accusé le patron des journaux Hichem Aboud d'«atteinte à la sécurité de l'Etat» pour ses «propos infondés» à des médias étrangers. Et le ministère de la Communication évoquait «des informations erronées» et «totalement fausses» dans les deux publications.
L'avocat Ali Yahia Abdennour, un chef historique de l'opposition, a appelé M. Bouteflika, 76 ans, à «passer la main», jugeant que la maladie rendait «indispensable son retrait» après 14 ans au pouvoir. «La lutte pour la succession est ouverte, mais tout est bloqué. Aucune initiative n'est prise», a jugé lundi cet infatigable défenseur des droits de l'Homme de 92 ans, dans un entretien à El-Watan.
Le chef du Parti El-Fadjr el-Jadid, Tahar Benbaïbèche, déplore une situation sans précédent: «L'Algérie n'a jamais connu une situation comme celle-là depuis l'indépendance», il y a presque 51 ans. «L'absence du président de la République a provoqué une situation de blocage de toutes les institutions. Le Parlement, avec ses deux Chambres, ne fonctionne plus», affirme-t-il.
Une réforme constitutionnelle est en coursUn avis contesté par le député Ramdane Taazibt, du Parti des Travailleurs (trotskyste): «Contrairement à ce que veulent faire croire certains il n'y a pas de chaos ni de vacance de pouvoir. Les institutions fonctionnent normalement». «La présidentielle de 2014, c'est dans moins d'une année. Président malade ou pas, on s'y prépare» ajoute-t-il.
Dans le camp présidentiel, le Front de Libération Nationale (FLN) premier parti de l'Assemblée nationale avec 208 députés sur 462, la prudence est de mise. «Nous sommes encore dans la gestion de la situation née de la maladie du président», souligne Kassa Aïssi, porte-parole du FLN. «Soit le président est en mesure de poursuivre sa mission, soit il ne peut pas et on sera dans une nouvelle dynamique à ce moment-là», ajoute-t-il. Nombre de partisans du FLN voulaient, avant son hospitalisation, voir le président Bouteflika se présenter, pour un quatrième mandat, au scrutin d'avril 2014.
Sur le terrain social, les grèves ont repris récemment. Dans le sud du pays, ce sont maintenant des milliers de chômeurs qui réclament haut et fort un emploi, un logement, un avenir. Un destin que pourtant Abdelaziz Bouteflika avait promis meilleur en lançant toute une série de réformes dont la dernière, constitutionnelle, est en cours d'élaboration.
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