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 Pôle emploi et suicide

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AuteurMessage
Sonia75
7 Grades
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Féminin Nombre de messages : 3927
Date d'inscription : 16/10/2012

Pôle emploi et suicide Empty
MessageSujet: Pôle emploi et suicide   Pôle emploi et suicide Empty2013-07-29, 10:39

hjbbng 

Olivier F., 41 ans, directeur des relations sociales à Pôle emploi Ile-de-France, s’est suicidé à son domicile le 8 juillet. En huit mois, il s’agit du troisième agent à mettre fin à ses jours dans la région. En octobre, une conseillère de Pantin s’était donnée la mort. Une deuxième en mai à Maisons-Alfort.

Mais Olivier F. occupait un poste particulier dans l’entreprise. Directeur des relations sociales depuis décembre 2008, il avait pour mission de gérer le dialogue entre la direction et les représentants du personnel. C’est-à-dire d’être le relais entre les exigences de la direction et celles des syndicats. Un poste « très exposé », explique un syndicaliste du SNU.

Trois suicides en huit mois


Olivier F. n’a pas laissé de lettre susceptible d’expliquer son geste, et sa famille ne souhaite pas s’exprimer.

En attendant les résultats de l’enquête policière et de celle menée en interne, les organisations syndicales se montrent prudentes. Françoise Kermorgant, responsable Pôle emploi, à Force ouvrière (FO) :

« Peut-être que Pôle emploi à une responsabilité, mais je n’en sais rien pour l’instant. »

A la CGT, on refuse de faire le moindre commentaire. Et pour Bernie Billey, déléguée centrale de la CFDT à Pôle emploi :

« Ce suicide n’est pas révélateur d’un malaise plus global. »

Les syndicats SUD-Solidaires et SNU ne sont pas d’accord. Pour eux, il y a un lien entre la dégradation des conditions de travail à Pôle emploi Ile-de-France et le suicide de ce cadre. Un représentant SNU, qui souhaite rester anonyme :

« Trois suicides en huit mois, c’est loin d’être anodin. »

« C’est l’humain qui paie »

Selon lui, ces gestes désespérés sont révélateurs de la pression exercée par la direction sur ses agents, pour achever, d’ici début 2014, la généralisation des sites Pôle emploi en Ile-de-France.

Décidée par Nicolas Sarkozy, la fusion de l’ANPE (orientation des chômeurs) et des Assedic (leur indemnisation) a commencé en 2009. En Ile-de-France, sous la pression des syndicats, sa mise en place a pris beaucoup de retard. Aujourd’hui, la direction assure que la fusion immobilière est réalisée aux deux-tiers et qu’elle devrait être terminée à 80% à la fin 2013. Et c’est bien ça qui pose problème au SNU :

« Depuis un an, la direction accélère le mouvement pour remplir son objectif. Elle impose une fusion à marche forcée et c’est l’humain qui paie. »

« Les conditions de travail à Pôle emploi Ile-de-France se dégradent et les relations sociales se tendent », raconte Françoise Kermorgant de FO. Pour l’élu SNU du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), c’est ce contexte qui aurait entraîné le burn-out d’Olivier F. « Il était épuisé par la charge de travail, on l’a vu à bout », confie Sylvie Masson, porte-parole de Sud-Solidaires Pôle emploi. Selon le SNU :

« La direction a joué sur l’investissement de ce cadre supérieur. Elle lui en demandait beaucoup et il était très peu aidé. »

Il y a trois mois, Olivier F. avait récupéré une nouvelle fonction, celle de directeur de la sécurité. L’élu SNU du CHSCT croit savoir que, quelques heures avant de se donner la mort, Olivier F. aurait eu un entretien avec le directeur régional :

« Olivier F. aurait fait part de sa difficulté devant l’ampleur de la tâche, mais le directeur lui aurait répondu que c’était ça où la porte. »

Pôle emploi nie l’existence de ce rendez-vous :

« Ils se sont simplement croisés, comme tous les jours. »

Des mobilités professionnelles imposées

« Le nommer directeur de la sécurité, c’était une promotion et un signe que je lui renouvelais ma confiance », assure Yves Dubrunfaut, directeur de Pôle emploi Ile-de-France.

Pour l’élu du SNU, il s’agit plutôt d’une mobilité imposée, beaucoup trop fréquente à Pôle emploi en ce moment :

« Depuis l’arrivée du nouveau directeur régional, il y a deux ans, plus d’une dizaine de restructurations internes ont eu lieu. »

Ces nombreuses mobilités professionnelles et géographiques imposées seraient très mal vécues par les agents. « En Ile-de-France, même si les kilomètres sont peu nombreux, le moindre déplacement est compliqué », poursuit ce même élu SNU.

La souffrance des agents se traduirait, selon lui, par de plus en plus de cas d’addictions et de maladies. Il en veut pour preuve les chiffres du dernier bilan social de l’entreprise. Entre 2010 et 2012, les arrêts pour maladie grave (plus de huit mois) auraient augmenté de 293% et les accidents du travail de 162%.

A la CFDT, l’appréciation est complètement différente :

« Aujourd’hui, les difficultés sont du côté des chômeurs plus que des salariés. Les agents ont subi la fusion, mais désormais la plupart d’entre eux ont dépassé cette phase. »

Un avis partagé par la direction qui ne nie pas qu’il puisse toujours y avoir des « crispations » :

« Il faut du temps, de l’expérience pour qu’une réorganisation comme celle-là soit effective. Mais la fusion on n’en parle plus, c’est terminé. »

Reste qu’en attendant, les rendez-vous avec les usagers sont décalés et le traitement des dossiers est retardé, assurent les syndicats. Une situation exacerbée en Ile-de-France où ont été créés les deux plus gros sites Pôle emploi du pays. Germain Ageorges, ancien chef d’équipe, travaillait dans l’un d’eux (le centre Paris Cardinet, dans le XVIIe arrondissement) :

« Ce sont ces énormes sites qui enlèvent tout sens au métier. Chaque conseiller doit gérer de 300 à 400 chômeurs, c’est impossible de les suivre correctement. »

« La fusion a déshumanisé notre métier »

Pour lui, les réorganisations résultant de la fusion sont contreproductives :

« La fusion était censée donner plus d’autonomie au niveau local. Mais c’est l’inverse. Il y a une multiplication des échelons hiérarchiques, donc les décisions mettent beaucoup plus de temps à être rendues.

Aujourd’hui, 50 à 60% de notre temps est consacré à des questions d’organisation. Nous ne sommes plus au service de l’usager de terrain mais au service de nous-mêmes en essayant de mettre en place une organisation qui tienne la route et ne craque pas. »

Julien (prénom modifié), conseiller Pôle emploi à Ivry, travaille dans un centre plus petit. Mais il explique rencontrer le même genre de difficultés :

« La fusion a déshumanisé notre métier. Nos relations avec les usagers se sont anonymisées. Il n’y a plus d’agence de proximité, le temps d’entretien a été considérablement raccourci et les demandeurs d’emploi doivent faire l’essentiel de leurs démarches par Internet avant de pouvoir rencontrer un conseiller. Pour certains demandeurs d’emploi, ça va, ils maîtrisent Internet, mais pour d’autres c’est plus compliqué et se sont souvent les chômeurs en plus grande difficulté. »

Le profil-type du chômeur a changé


Aujourd’hui, ce conseiller se dit « frustré » de ne plus pouvoir exercer son métier par manque de formation. La fusion n’a pas « respecté les spécificités, les métiers de chacun » :

« Nous avons eu cinq jours de formation, alors qu’il faut au moins deux ans pour maîtriser son affaire. »

D’autant que le profil des demandeurs d’emploi a beaucoup changé :

« Il y a quelques années, le profil-type du chômeur, c’était une personne qui venait s’inscrire après 30 ans de boîte. Aujourd’hui, leur parcours s’est complexifié. Nous sommes face à des gens qui ont multiplié CDD, intérim, petits boulots. Le montant de leurs indemnisations est donc plus dur à déterminer et à calculer. »

Résultat : des tensions au guichet où certains chômeurs, exaspérés de ne pas trouver de réponses à leurs questions, peuvent devenir agressifs.

La dernière réunion à laquelle Olivier F. a assisté avait pour objet la situation des agents de Pôle emploi Nanterre. Les syndicats réclamaient la mise en place d’un « droit d’alerte ». Une procédure dont l’objet est de diligenter une enquête interne à l’entreprise et éventuellement des solutions, en cas de grave danger menaçant les salariés. Olivier F., en désaccord avec les syndicats, aurait claqué la porte de cette réunion.

« Il n’a pas pu se sentir acculé », assure la direction :

« La situation de l’agence de Nanterre, ce n’est pas nouveau. Ce sujet est connu depuis plusieurs mois. »

Ce qui montre aussi que rien n’a été fait pour tenter de répondre au cri d’alarme de ces agents.
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