Mon frère, je voudrais savoir quelle est la position de notre religion au sujet de la masturbation.
Réponse :
Pour l'islam, la sexualité et tout ce qui y a trait fait partie de la nature humaine, et il n'y a pas de tabou lié à ce sujet. Par contre il y a en islam, au sujet de la façon de vivre la sexualité comme au sujet de la façon de vivre toute chose, des limites à respecter.
Pour l'islam, l'instinct sexuel ne doit pas être refoulé et considéré comme en soi une mauvaise chose. Mais il ne doit pas non plus être flatté sans cesse. Il doit être orienté. C'est pourquoi les sources musulmanes (Coran et Hadîths) enseignent que le cadre matrimonial est le seul cadre autorisé pour vivre sa sexualité (voir Coran 23/5-6). L'avantage de cette mesure, c'est que l'instinct sexuel est de la sorte orienté et sert de levier à la fondation de familles. Un des objectifs d'un jeune musulman devrait donc être de chercher à gagner sa vie honnêtement pour pouvoir fonder un foyer.
Quant à celui qui ne le peut pas, un autre verset s'adresse à lui en ces termes : "Et que ceux qui n'ont pas de quoi se marier cherchent à rester chastes jusqu'à ce que Dieu les enrichisse par Sa Grâce" (Coran 24/33). Car "ceux qui cherchent [la satisfaction de l'instinct sexuel] au-delà de cela [le cadre matrimonial], eux sont ceux qui dépassent" (Coran 23/7). Or, la masturbation relève justement de ce qui est "au-delà du cadre permis" par les sources musulmanes, et, en tant que telle, est interdite.
Au cas où un jeune homme n'a pas les moyens de se marier et ressent une très forte poussée de l'instinct, le Prophète Muhammad (sur lui la paix) lui a enseigné de faire des jeûnes (rapporté par al-Bukhârî). Un tel jeune homme devrait également s'occuper à des activités permises (sport autorisé, art autorisé, etc.), qui lui permettraient de penser à autre chose (cela sans pour autant faire de refoulement psychologique, car si l'instinct sexuel doit se vivre dans l'intimité et avec pudeur, il n'en est pas moins quelque chose de naturel dont il ne faut pas avoir honte de l'existence en soi). Cela devrait lui permettre de "rester chaste jusqu'à ce que Dieu l'enrichisse par Sa Grâce", comme énoncé dans le verset mentionné plus haut.
Malgré tout cela, il peut arriver qu'un jeune homme ressente une poussée de l'instinct telle qu'il "n'en puisse plus" et qu'il craigne de tomber dans la fornication (az-zinâ, relation sexuelle hors du cadre permis). Dans ce cas et en dernier recours, face à deux maux (la fornication et la masturbation), certains ulémas musulmans sont d'avis qu'il peut être amené à avoir recours au moindre mal (cf. Al-halâl wal-harâm, al-Qardhâwî, p. 153, et aussi Majmû' ul-fatâwâ 34/230), et ce seulement s'il y a risque réel pour lui de tomber dans la fornication. C'est ce qui est connu en droit musulman comme "akhaffu-dh-dhararayn" (le moins grave de deux maux). Soulignons-le : cela reste quelque chose du dernier recours uniquement, et seulement si le jeune n'a vraiment pas les moyens de fonder un foyer et qu'il craint vraiment de tomber dans un mal plus grave.
La question qui se pose ici est : pratiqué dans ce cas du dernier recours, l'acte de masturbation reste-t-il quand même interdit, ou bien, à cause de la nécessité existante, devient-il alors autorisé ? Ibn Taymiyya (Majmû' ul-fatâwâ 34/230) a rapporté à ce sujet les deux avis existant chez les ulémas :
– l'avis disant que cela reste quand même un acte interdit mais que l'on n'y aura recours que pour ne pas tomber dans un mal plus grand ; cet avis signifie qu'il faudra demander pardon à Dieu. [Il faut veiller cependant à ne pas faire ici non plus de refoulement psychologique. Le meilleur moyen d'éviter un tel refoulement est justement de s'en ouvrir à Dieu et de Lui en parler longuement. Car c'est bien à partir des Paroles de Dieu et de celles de Son Messager que les savants musulmans ont extrait les principes et les règles détaillées du droit musulman. Pourquoi, donc, ne pas en parler à Dieu ? C'est Lui qui sait, c'est Lui qui pardonne - Il est Miséricordieux - pour ce qui relève des devoirs qu'on a envers Lui, et non pas les hommes (il n'y a pas de confession à des hommes en islam).] ;
– l'avis disant que dans ce cas uniquement cet acte devient permis ; cet avis signifie – c'est évident – que l'on n'aura pas fait là quelque chose d'interdit. [Cependant, dans ce cas, où un jeune ne verrait pas d'autre possibilité que ce recours, il devrait rester discret sur ses pratiques, sans faire pour autant un refoulement psychologique.]
Le savant hanafite Ibn Abidiîn ash-Shâmî a relaté l'avis selon lequel "il est à espérer qu'il n'y aura pas de péché" si quelqu'un le fait parce qu'il subit une forte poussée de l'instinct" (cf. Radd ul-muhtâr 3/371).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Seconde question :
Vous avez répondu à cette question à propos de cette pratique sexuelle chez les hommes. Je voudrais savoir ce qu'il en est chez les femmes. Est-ce que les avis juridiques sont pareils pour l'homme et la femme ou y a-t-il une différence ? Merci.
Réponse :
Nous aimerions tout d'abord souligner que tout au long de cet article, il n'a pas été développé l'idée qu'au regard de l'islam, la masturbation serait une "pratique sexuelle" parmi tant d'autres ; il a été au contraire dit que, au regard des avis de ulémas - avis fondés sur les sources musulmanes - il s'agit en temps normal de quelque chose d'interdit ; et qu'en cas de dernier recours, il y a divergence d'avis quant au fait de savoir si cela reste quand même interdit ou si cela est permis à cause de la nécessité.
Cela étant rappelé, nous n'avons pas trouvé d'avis faisant la distinction entre l'homme et la femme à ce sujet. Les mêmes règles s'appliquent apparemment à la femme comme à l'homme à ce propos. Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux). Simplement, si, souvent, ce sont des hommes qui posent cette question et que la réponse leur est donnée à eux, c'est parce que la testostérone, hormone du désir, est beaucoup plus présente chez l'homme que chez la femme. Voici ce qu'on peut lire à ce sujet : "Sous son influence, 91 % des garçons ont recours à la masturbation. Le taux de testostérone est 20 fois moins élevé chez les filles, ce qui explique que moins de 50 % d'entre elles s'adonnent à cette pratique" (Ca m'intéresse, juillet 1997, p. 58).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).