SOIS UN PASSANT DANS CE MONDE

SOIS UN PASSANT DANS CE MONDE

La vie moderne a généré une espèce jamais vue jusqu’alors.Présente sur les quais des gares,les avenues des grandes villes,elle constitue une masse redoutable, et fluctuante.Seuls les feux de signalisation l’arrêtent périodiquement dans son mouvement fiévreux qui la conduit à son lieu de travail le matin, et la ramène à son domicile à la tombée du jour.Les individus de cette espèce, en dépit des variations vestimentaires et physiques,présentent une incroyable homogénéité dans leur attitude : les regards sont morts et éteints,ou brillent d’un feu noir : le stress,l’irritation,la rage. Les bouches sont figées par la froideur et ne s’ouvrent pour récriminer, insulter.Les traits crispés par l’indifférence ne s’émeuvent de rien : un homme malade,une mendiante,ne suscitent pas plus d’émoi qu’un panneau de verre brisé.Cette faune étrange,qui tient plus du minéral que de l’animal,appartient pourtant à l’espèce humaine.Vous la rencontrez tous les jours,vous en êtes vous-mêmes des représentants,plus ou moins représentatifs.Cette espèce a un nom,c’est le passant.

Nous sommes tous des passants,et en tant que musulmans nous le sommes plus que d’autres.La demeure du musulman, en effet,n’est pas en ce monde.Sa vie,toute sa vie terrestre n’est qu’un effort continue,une marche de fond qui le rapproche chaque jour d’un événement autant redouté que désiré: la rencontre de son Seigneur et peut-être du moins l’espère-t-il,l’entrée aux jardins du Firdaws.Il avance donc posément vers cet objectif auquel il tend de tout son être,ne s’attachant pas outre mesure aux charmes éphémères de cette vie.C’est donc dans cet esprit que le Prophète (Paix et bénédiction d'Allah sur lui) a dit dans un hadith: "Sois dans ce monde comme un étranger ou un passant !"

Soit. Le croyant est un passant.Mais qu’entend-t-on par passant ? Si l’on se penche sur la physionomie moderne du passant citadin,indifférent au monde qui l’entoure,interprétant toute tentative de communication humaine comme une agression,il est certain que ce n’est pas ce chef-d’oeuvre de stress et de froideur que le Prophète (Paix et bénédiction d'Allah sur lui) avait à l’esprit en nous léguant cette sage parole. Nous nous plaignons sans cesse des amalgames,des préjugés dont nous sommes les victimes en réalité complaisantes.Dans notre comportement quotidien, rien ne nous distingue vraiment positivement,des autres passants dans la froideur et l’indifférence générale.Nous avons su marquer nos différences par nos barbes et nos qamis,nos barbes et nos sitar,revendiquer une certaine valorisation de la pudeur,c’est vrai,et c’est très important, mais nous échouons à transfigurer les lieux où nous passons,à accomplir cette da’wah de l’attitude qui s’adresse aux cœurs et aux esprits.

Le passant idéal,ce serait plutôt cet homme qui est délivré des tourments de l’errance puisqu’il aspire à rejoindre sa demeure,et suivant le chemin qui lui a été indiqué,sans flâner,mais en restant sensible et attentif à ce qui se passe de part et d’autre de ce chemin.Face à une agression,une injustice,il s’arrête et essaie de restaurer l’ordre.Face à une détresse,il s’arrête encore et s’emploie à consoler le malheureux le nécessiteux par un sourire ou une pièce.Ces haltes n’entravent pas sa marche,au contraire,car chacune de ces belles actions allègent le fardeau de péchés qu’il traîne derrière lui,tout au long de ce voyage.Tout pressé qu’il soit d’arriver à destination,il n’est pas de ces égoïstes qui voudraient accaparer tout le bien,toute la récompense,(car il sait que la mansuétude d’Allah est vaste,plus encore qu’il ne peut l’imaginer),au contraire il facilite la progression d’autrui,en cheminant volontiers avec des compagnons de route qui lui ressemblent.S’il voit une immondice sur le chemin,il l’écarte sur le coté,de crainte qu’un futur passant trébuche dessus.Ce n’est pas sans raison que le Prophète (saws) a dit: "L'homme, pour chacune de ses articulations,doit verser l'aumône chaque jour où le soleil se lève.Pratiquer l'équité entre deux personnes est une aumône.Aider un homme à enfourcher sa monture ou à lui hisser ses bagages est une aumône.Dire une bonne parole est une aumône et tout pas effectué vers un lieu de prière est un aumône.Enfin,écarter ce qui nuit de la voie est également une aumône."

Examinez votre propre conduite à présent et demandez-vous : chaque fois qu’une course quelconque vous amène à sortir et à vous retrouver dehors,faites-vous moisson de toutes les bonnes actions qui jonchent votre chemin ? A savoir : saluez-vous vos frères et soeurs,souriez-vous à qui vous dévisage,aidez vous l’aveugle à traverser,la mère de famille à soulever sa poussette ou son caddie,le voyageur à porter sa grande valise,dépannez-vous d’un euro ou deux le jeune chômeur qui n’a pas quoi manger et mendie sous la pluie ? Profitez-vous de ces moments où vous êtes perdus dans vos pensées pour vous remémorer Allah en des lieux envahis par la mécréance et qui seront vos témoins au Jour dernier ? Ce sont des actes simples,stéréotypés presque,mais que l’on ne voit que trop rarement dans la réalité de tous les jours.Trop peu spectaculaires pour retenir notre attention,et pourtant par la grâce d’Allah,le moindre d’entre eux peut nous ouvrir les portes du Jardin.

Et sur ce trajet de plusieurs décennies qu’est votre existence,combien de minutes,combien d’heures consacrez vous,pauvres que vous êtes devant Allah l’infiniment Riche,à ceux qui sont plus pauvres encore en matière de bien,de connaissance de religion ? Donnez,offrez,partagez votre argent et votre temps,tant que cette opportunité vous est laissée,car au jour de la Rencontre, vous n’obtiendrez aucun sursis.