Que signifie la formule "dans le chemin de Dieu" ("fî sabîl-illâh") ?
La
formule "fî sabîl-illâh" veut littéralement dire "dans le chemin de
Dieu". Elle a été employée maintes fois dans le Coran et les Hadîths :
on y lit ainsi : "dépenser dans le chemin de Dieu", "faire l'effort dans le chemin de Dieu". Que signifient ces mots "dans le chemin de Dieu" ?
En fait cette formule possède un sens large et un sens plus restreint.
A) En son sens large, "dans le chemin de Dieu" signifie : "dans ce que Dieu agrée", ou encore : "dans le bien".
"Dépenser dans le chemin de Dieu" veut ainsi dire : "dépenser dans ce que Dieu a rendu obligatoire ou recommandé". Et "Etre dans le chemin de Dieu" veut dire : "être en train d'accomplir un acte que Dieu rendu obligatoire ou recommandé".
Ainsi,
donner de l'argent aux démunis, c'est dépenser dans le chemin de Dieu.
Se rendre à la mosquée, c'est être dans le chemin de Dieu. Se rendre
auprès d'un 'âlim (personne versée dans les sciences islamiques) pour
obtenir la réponse à une question que l'on a, c'est être dans le chemin
de Dieu.
C'est avec ce sens large que cette formule a été utilisée dans le verset qui dit : "Ceux
qui dépensent (de) leurs biens dans le chemin de Dieu puis ne font
suivre leurs dépenses d'aucun rappel ni d'un tort, auront leur
récompense auprès de leur Seigneur, et il n'y aura nulle crainte sur
eux et ils ne seront pas affligés" (Coran 2/261). Le "rappel"
("mann") qu'il est interdit de faire après avoir donné de son argent
est le "rappel de faveur" que certains hommes ne peuvent s'empêcher de
faire aux pauvres quelque temps après leur avoir donné quelque chose.
Il ne peut donc être question, dans ce verset, que d'un don fait aux
nécessiteux. On voit que pareil don a été décrit comme ayant été fait
"dans le chemin de Dieu".
Un autre exemple : Yazîd ibn Abî
Maryam raconte : "'Abâya ibn Râfi' me rattrapa alors que je me rendais
à pied à la prière du vendredi et que lui était sur une monture. Il me
dit : "Une bonne nouvelle pour toi : les pas que tu fais là sont dans le chemin de Dieu.
(Et) j'ai entendu Abû 'Abs dire : le Prophète (sur lui la paix) a dit :
"Celui dont les deux pieds se seront couverts de poussière dans le
chemin de Dieu, le feu (de la géhenne) ne pourra le toucher""" (at-Tirmidhî 1632, an-Nassâï 3116, avec Fat'h ul-bârî
2/503 ; une version voisine est rapportée par al-Bukhârî 865, 2656).
Voyez : quand on se rend à la prière du vendredi, on est dans le chemin
de Dieu.
Un autre exemple encore : Le Prophète a dit : "Celui qui sort (de chez de lui) à la recherche de la connaissance est dans le chemin de Dieu jusqu'à ce qu'il rentre" (at-Tirmidhî 2647 ; ce hadîth est cependant dh'aîf d'après al-Albânî, suivant en cela al-'Uqaylî).
En maints passages du Coran on trouve aussi la formule "sadd 'an sabîl illâh" : "empêcher [les gens de suivre] le chemin de Dieu"
(par exemple en 3/99, 4/167, 7/45, 8/36, 16/88, 47/1, etc.). Jalâl
ud-dîn as-Suyûtî commente, en 3/99, les mots "chemin de Dieu" par
"religion de Dieu" (Tafsîr al-Jalâlayn). Soit ce verset parle
du fait d'empêcher les croyants de pratiquer le bien, ce qui renvoie
clairement au sens que nous venons de voir. Soit ce verset parle
d'empêcher les hommes d'adhérer, de leur choix libre et clairvoyant, à
l'islam ; dans ce cas cela rejoint également ce sens large – "A" –,
dans la mesure où l'adhésion à l'islam est la première et la plus
importante action agréée par Dieu puisque, pour toute personne qui a
pris connaissance du message de Muhammad (sur lui la paix), elle
constitue la condition pour l'acceptation par Dieu des autres actes de
bien qu'elle fait.
B) La formule "dans le chemin de Dieu" a aussi, cependant, un sens plus restreint, qui fait qu'elle signifie alors : "pour la cause de la religion que Dieu agrée".
C'est avec ce sens que la formule est utilisée après le terme "jihâd", comme dans ce verset coranique : "O
vous qui avez apporté foi, craignez Dieu, cherchez le moyen qui (vous
rapprochera) de Lui, et faites le jihâd dans Son chemin. Peut-être
serez-vous alors de ceux qui réussissent" (Coran 5/35). "Faire le jihâd dans le chemin de Dieu" signifie donc : "Faire le jihâd pour la cause de la religion que Dieu agrée". On rappelle que le terme jihâd signifie "faire l'effort" et n'a pas un sens spécifiquement militaire : pour en savoir plus, cliquez ici et ici (voir le point C,
où est relaté le propos où an-Nadwî l'a de même rappelé). Al-Qardhâwî,
après avoir relaté ces deux sens que revêt la formule "dans le chemin
de Dieu", l'a lui aussi rappelé (cf. Fiqh uz-zakât, pp. 702-705).
Qui a expliqué l'existence de ces deux sens à cette formule ?
C'est entre autres sous la plume de Ibn Hajar que l'on peut prendre connaissance de l'existence de ces deux sens de la formule "dans le chemin de Dieu", l'un large ("'âmm") et l'autre plus restreint : cf. Fat'h ul-bârî 2/503, 4/144, 6/59 (citant al-Qurtubî), 6/61, 7/36.
Une nuance :
Une
lecture attentive de certains textes révèle cependant une nuance. Que
l'on se fonde sur le sens A, large, ou sur le sens B, plus restreint,
de la formule "dans le chemin de Dieu", dans le regard des hommes,
les actes qui remplissent les caractéristiques A ou B sont bien "dans
le chemin de Dieu", puisque les hommes ne connaissent et ne peuvent
connaître que l'apparence des actes. Cependant, auprès de Dieu,
seuls sont comptés comme étant "dans le chemin de Dieu" les actes qui
répondent aux caractéristiques apparentes voulues des sens A ou B mais
également qui, par ailleurs, sont faits sincèrement pour Sa Face ; ne sont donc pas comptés par Dieu comme étant "dans son Chemin" les actes que l'homme fait par recherche de la renommée ou, alors que l'acte constitue une "qurba", par recherche du gain matériel.
Cette nuance figure dans le hadîth où le Prophète a dit : "Toute
personne qui aura été blessée dans le chemin de Dieu – et Dieu sait
mieux qui est blessé dans Son Chemin – se présentera le jour de la
résurrection avec [la représentation] de sa blessure qui coulera, la
couleur étant celle du sang et le parfum celui du musc"
(al-Bukhârî 2649, Muslim 1876). (On notera qu'il ressort du commentaire
que an-Nawawî a fait de ce hadîth que celui-ci s'applique à un sens
assez large de "chemin de Dieu" : cf. Shar'h Muslim.) Dans ce Hadîth, et ce comme l'ont souligné Ibn Hajar et an-Nawawî, la phrase "et Dieu sait mieux qui est blessé dans Son Chemin"
signifie que la promesse suscitée est conditionnée au fait d'avoir fait
l'action vertueuse uniquement pour Dieu, Dieu sachant parfaitement,
Lui, qui fait l'action sincèrement pour Lui, et qui la fait pour autre
chose que la recherche de Son agrément.
On voit que, auprès de Dieu,
seuls sont comptés comme étant faits "dans Son chemin" les actes qui
sont faits non pas seulement dans le cadre voulu (A ou B) mais aussi
avec l'intention réelle de Lui plaire.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).