explication hadith: illicite/licite

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An Nu'man ibn Bachir a dit << J'ai entendu l'Envoyé de Dieu ('alayhi salati wa salam) dire : " Le licite est évident,de même que ce qui est illicite.Entre les deux domaines,il y a des choses équivoques que peu de gens connaissent.Celui qui se met à l'abri des choses équivoques préserve sa religion et son honneur et celui qui se précipite dans les choses équivoques tombe dans les choses illicites,tel le berger qui ne cesse de faire paître son troupeau autour du domaine du roi.Il n'est donc pas loin de l'empiéter.Sachez que chaque roi a son domaine réservé et que les domaines réservés de Dieu sont Ses interdits.Sachez aussi que,dans le corps humain,il y a un morceau de chair ; quand il est sain,tout le corps l'est ; mais quand il est mauvais,tout le corps l'est aussi.Ce morceau de chair n'est d'autre que le coeur" Al Boukhari et Mouslim

Commentaires

1- Importance du hadith

Les savants disent à l'unanimité qu'il s'agit d'un éminent hadith qui abonde de précieuses informations.Il est,en effet,l'un des hadith qui occupent une place centrale en islam.Pour certains savants,il représente le tiers de la religion et pour Abou Dawoud,le quart de l'islam.À bien l'examiner,on se rend compte qu'il englobe la religion entière,car il définit le licite,l'illicite,l'équivoque ainsi que ce qui ce purifie le coeur ou,au contraire,le corrompt.D'où la nécessité de connaître les lois de la chari'a,ses principes et ses conséquences.Par ailleurs,ce hadith incite au scrupule qui n'est rien d'autre que la renonciation aux choses équivoques.

2- Ce que l'on peut retenir du hadith et ses bonnes directives

-1- Le licite et l'illicite sont évidents.Entre les deux,il y a l'incertain.

An Nawawi a dit : " Ce hadith veut dire que les choses se divisent en trois catégories : le licite évident dont la licité ne laisse subsister aucun doute,comme la consommation de nourriture,la pratique du langage,la marche etc. ; l'illicite manifeste comme les boissons alcoolisées,la fornication etc.Quant aux choses équivoques,ce sont celles dont le caractère licite ou illicite n'est pas immédiatement évident.C'est pourquoi beaucoup de gens les ignorent,à la différence des savants qui connaissent leur statut soit en s'appuyant sur un texte,soit en recourant au raisonnement analogique.Lorsque le statut d'une action n'est pas clair,attendu qu'il n'existe ni texte ni consensus des juristes,le mujtahid (personne habilitée à faire une interprétation juridique) fait un effort intellectuel pour la rattacher à l'un ou à l'autre domaine ( Le licite ou l'illicite ) en s'appuyant sur des arguments égaux."

La crainte scrupuleuse de Dieu consiste,entre autres choses,à s'abstenir de ce qui est équivoque comme le fait de conclure des transactions avec une personne dont les biens ont une origine douteuse ou sont mêlés à des biens provenant de l'usure,ou comme le fait d'abuser de certaines choses autorisées ( L'autorisé est tout acte que le musulman peur faire ou ne pas faire car il n'est ni illicite ni obligatoire) auxquelles il vaut mieux renoncer.

Quant à ce qui procède davantage de l'obsession,comme le fait d'interdire des choses invraisemblables,cela n'entre nullement dans le cadre de l'équivoque qu'il faut abandonner.Il en est ainsi de :

a) Renoncer à prendre pour épouse une femme dont on ne connaît pas la parenté de peur qu'elle n'ait un lien rendant le mariage impossible avec l'homme : par exemple une femme ayant été allaitée par la mère du prétendant.

b) Renoncer à utiliser une eau dans le désert pour faire ses ablutions,sous le prétexte qu'elle soit probablement impure.

Ceci n'est pas de la crainte scrupuleuse,mais plutôt des incitations,des susurrements sataniques.

-2- Division des choses équivoques

Ibn al Mundhir a divisé les choses équivoques en trois catégories :

a) La chose est à l'origine illicite,mais un doute persiste quand à son caractère illicite : est-ce qu'elle est toujours illicite ou non ? Dans ce cas précis,et en l'absence de toute certitude,on doit s'en abstenir.C'est le cas,par exemple,de deux moutons que l'on égorge.L'un d'eux l'a été par un non-musulman,mais on ne peut le désigner avec certitude.

b) La chose est initialement licite,mais on en doute.C'est l'exemple de celui qui a des doutes quant à la répudiation de son épouse,ou de celui qui pense avoir perdu ses ablutions alors qu'il est certain de les avoir faites.Dans les deux cas,cela n'a aucun effet,c'est-à-dire que le premier ne doit pas répudier son épouse et que le second ne doit pas refaire ses ablutions.

c) On ne sait pas si la chose est licite ou illicite.Dans ce cas,il vaut mieux s'en abstenir comme l'a fait le Messager de Dieu ('alayhi salati wa salam) au sujet d'une datte qu'il a ramassée par terre.Al Boukhari et Mouslim ont rapporté que le Messager de Dieu ('alayhi salati wa salam) a dit : " Il m'arrive de rentrer chez moi et de trouver une datte sur mon lit.Mais lorsque je m'apprête à la manger,je crains qu'elle ne provienne d'une aumône et je la jette aussitôt." (Car l'aumone est interdite aux Prophètes,même s'ils sont dans le besoin)

-3- Propos des anciens au sujet de l'abandon des choses équivoques

Abou ad Darda a dit : " La piété parfaite consiste à craindre Dieu dans toutes ses affaires aussi insignifiantes puissent-elles être.Il en est ainsi de qui renonce à une chose licite par crainte qu'elle ne le soit pas,il met ainsi un écran entre lui et l'illicite."
Al Hasan al Basri a dit : " La piété a fait tant et si bien que les pieux ont abandonné beaucoup de choses licites par crainte de l'illicite."
Ath Thawri a dit : " Les hommes pieux ont été appelés ainsi parce qu'ils se prémunissent contre ce contre quoi la masse des gens ne se prémunit pas."
Ibn 'Oumar a dit : " J'aime préserver entre moi et l'illicite un écran de licite que je ne déchire point."
Sufyan ibn 'Ouyayna a dit : " Le serviteur n'accède à la véritable foi que lorsqu'il place entre lui et l'illicite un écran de licite et qu'il délaisse tout péché ou ce qui en est équivoque."
Il a été établi qu'Abou Bakr a mangé,sans le savoir,quelque chose dont l'origine était équivoque.Quand il en prit connaissance,il la vomit.
Il a été dit à Ibrahim ibn Adham : "Que ne bois-tu pas de l'eau de zamzam?" Il répondit : " Je l'aurai fait si j'avais un seau" Il faisait allusion au fait que le seau dont se servaient les gens pour boire de l'eau de zamzam avait été acheté avec l'argent du souverain dont la licéité n'était pas certaine selon lui. »

Que Dieu agrée les compagnons du Prophète ('alayhi salati wa salam) et que sa miséricorde soit sur ceux qui les ont suivis parmi les anciens vertueux,car ils se sont éloignés des choses équivoques et ont parfaitement préservé leur foi.

-4- À chaque souverain un domaine réservé,or les interdits sont le domaine réservé de Dieu sur terre

Cette parabole a pour finalité d'évoquer ce qui est absent par ce qui est présent et ce qui est abstrait par ce qui sensible.Pour mieux comprendre,rappelons que les souverains arabes résevaient des pâturages à leurs troupeaux et menaçaient de châtiment ceux qui s'en approchaient.Ainsi,celui qui craignait le châtiment du roi prenait ses dispositions pour que ses bêtes s'en écartent.Quant au téméraire qui s'en approchait et qui faisait paître son troupeaux à leurs alentours immédiats,ses bêtes ne tardaient pas à y pénétrer malgré lui,et il en était alors puni.

Dieu a sur Sa terre un domaine réservé : ce sont les actes de désobéissance et les interdits.Celui qui les commet mérite le châtiment divin en ce monde et dans l'autre ; et quiconque s'en approche en touchant aux choses équivoques ne tarde pas à tomber dans le champ des interdits.

-5- La santé du coeur

La santé du corps dépend de la santé du coeur,celui-ci étant l'organe central chez l'homme.Cela est indiscutable tant du point de vue anatomique que médical : en effet,le coeur est la source de la vie chez l'homme ; aussi longtemps qu'il reste sain et qu'il pompe le sang régulièrement à tous les organes du corps,l'homme se porte bien.

Les chafi'ites se sont appuyés sur ce hadith pour prouver que la raison trouve sa racine dans le coeur et que la partie qui se trouve dans la tête est un prolongement de l'essence qui réside dans le coeur.Ils ont avancé comme argument le verset suivant : " Ils ont des coeurs pour ne pas saisir le sens profond des choses" sourate 7 verset 179.Philosophes et scolastiques anciens défendent le même avis.

Pour Abou Hanifa,la raison se trouve dans le cerveau.C'est ce que disent également les médecins,qui affirment que si le cerveau se gâtait,la raison s'en trouverait altérée aussi ; la médecine moderne et l'anatomie montrent que le cerveau est la source directe de la réflexion,car les sens ne s'activent que sous ses ordres.

Quoiqu'il en soit le coeur demeure la source de vie principale des membres,notamment du cerveau.Et si le hadith lie la santé du corps à celle de la pensée et du coeur,il ne fait que les rattacher à leur origine.Et si d'autre part,le verset souligné plus haut attribue l'intelligence aux coeurs,c'est parce que ceux-ci en constituent la source lointaine.Quant au cerveau,il est la source proche et directe de toute réflexion.

Par santé du coeur,il faut entendre la santé morale,c'est-à-dire le bon état de l'esprit,qui n'est connu que de Dieu.Dans son livre intitulé al-mu'in 'ala tafah-humi al-arba'in du chafi'ite ibn Mulaqqin,on peut lire que la santé du coeur s'obtient au moyen de cinq choses :

1- La lecture méditée du coran

2- Le jeûne.

3- La prière de la nuit.

4- Les invocations faites en toute humilité aux dernières heures de la nuit.

5- La fréquentation des vertueux.

On peut y ajouter la nourriture licite qui en est le sommet.A raison celui qui a dit : " La nourriture est la semence des actes.Si on en consomme ce qui est licite,il en ressortira des actes licites.Si on en consomme ce qui est illicite,il en émergera des actes illictes.Et si on en consomme ce qui est équivoque,il en découlera des actes équivoques."

Le coeur sain est le symbole de la réussite auprès de Dieu.Dieu dit : " Au jour où ni biens ni fils ne seront d'aucun secours " sourate 26 verset 88.Le Prophète ('alayhi salati wa salam) avait pour habitude de dire : " Ô Seigneur ! Accorde-moi un coeur sain."

An Nawawi a dit : " La santé du coeur s'obtient en s'immunisant des maladies intérieures tels que la rancune,la haine,l'envie,l'avarice,la ladrerie,l'orgueil,la raillerie,la duplicité,la recherche de la renommée,la ruse,la convoitise,l'avidité et le refus de la destinée."

Ibn Rajab a dit : " Le coeur bien portant est celui qui s'affranchit des fléaux et des choses détestables.C'est celui qui est empli de l'amour et de la crainte de Dieu,et qui est hanté par l'appréhension de ce qui éloigne de Lui."

Al Hasan al Basri a dit à un homme : " Guéris ton coeur,car Dieu attend de Ses serviteurs qu'ils réforment leurs coeurs."

La réforme du coeur implique celle des membres du corps.Si le coeur est en bonne santé,et ne renferme en lui que la volonté de Dieu et l'amour de ce qu'Il veut,alors les membres se conformeront à la volonté de Dieu ; ils s'empresseront d'effectuer ce qui Le satisfait et de se détourner de ce qu'il déteste,mais aussi de ce qui est sujet au doute.

3- Les leçons du hadith

Le hadith incite à :

-1- Accomplir des actes licites,

-2- S'abstenir des actes illicites,

-3- Renoncer aux choses équivoques,

-4- Prendre ses précautions pour préserver la religion et l'honneur,

-5- Ne pas faire ce qui engendre la suspicion et entraîne vers le danger à éviter.

De plus,il appelle à la réforme de la force raisonnable et de l'âme,c'est-à-dire à réformer le coeur.On retient également du hadith qu'il convient de fermer la voie aux prétextes qui mènent aux choses interdites et d'interdire les moyens qui y conduisent.