LE LAVEUR DES MORTS
Je te salue, O toi, frère, taleb pieux au coeur pur !
O toi, dernier visiteur, qui, pour moi, entre sous la tente,
C'est à toi, que je dirai, à toi seul toute la vérité,
Car je suis mort, mon âme a quitté mon corps,
Et j'ai passé la porte, où tous passeront,
Les bergers et les aghas, les caids et les mendiants,
Je ne te mentirai point, car en entrant dans la maison de l'autre monde,
On laisse au seuil l'amour et la haine, et la ruse n'y a point accès,
J'ai cru en l'amitié des frères qui tétèrent la même mamelle,
Et l'amour des enfants issus de ma chair,
Jai cru aux richesses et à l'aisance sous une tente large,
A la bonne chair et à la splendeur des vêtements,
En la force des bras qui honore l'homme,
Et en la grâce et la pudeur qui parent la femme,
Mais l'heure est venue et l'Ange de la Mort s'est approché,
Je suis mort, mon âme a quitté mon corps,
Et je te salue O laveur des morts,
Seul ami qui me reste, toi dont la main fraternelle,
Touchera seule mon corps, celui dont je recevrai la dernière caresse...
Par toi, je connaitrai le vêtement de l'éternité, le linceul...
Puis, on me donnera pour asile, la tombe,
Et une dernière fois, les Musulmans prieront sur moi,
Après, on m'oubliera, et nul ne se souviendra, même de mon nom.
O laveur des morts, après deux ans,
Va demander au épines qui pousseront sur ma tombe,
Quelles sont les larmes amies qui l'arrosent,
Quelles sont les lamentations qui y retentissent,
Elles te diront : la pluie du ciel et le chant des oiseaux,
Qui, eux aussi, mourront,
Et qui glorifient celui qui ne meurt pas : l'ETERNEL
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Chanson de Mohammed Ould Abd-Elder ben Ziane.Djebel Amour déc. 1903)
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